Chapitre 17, partie 1 : La Nuit des Longs Couteaux

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            Après que Cador et Cherche-chemin les eurent quittés, Vellocastus resta avec ses camarades sergents attablés, discutant des révélations faites par le chevalier. Si Vellocastus n'avait pas été là pour appuyer le chevalier, nul doute que les sergents auraient eu un peu plus de mal à croire son histoire.

" Je dois vous avouer que je doute encore un peu qu'il se passe quoique ce soit ici, les gars. Lâcha Fratos. En tout cas, rien de ce que raconte le chevalier.

- Moi, ça me paraît logique. Dit Fusch. Avec tout ce qu'on a vu ces dernières années, depuis la mort du baron-père... Ça me permet de mieux voir ce qui ne va pas dans notre cité.

- C'est quand même un peu gros là ! Dit encore Fratos. D'accord, nous n'avons pas le meilleur baron qui soit, mais tout de même. De là à trahir tout son peuple ? Et ses armées ?

- Faut te rendre à l'évidence Fratos. Dit calmement le doyen. Nous avons été trahis par notre seigneur et Lugdum seul sait jusqu'où. En tout cas, je ne resterai pas là à ne rien faire. Et puis, de toute façon je n'avais rien prévu pour cette nuit."

Ils sourirent à la blague du doyen, plus pour se donner un peu de courage que réellement par amusement. La discussion avec le chevalier les avait plus bousculer qu'en apparence et la nuit promettait d'être longue. Vellocastus pouvait lire dans les yeux de ses compagnons que tous n'étaient pas encore pleinement convaincu. Comment pourraient-ils l'être ?

Vellocastus, lui, savait que Cador avait mille fois raison. Il avait vu de ses yeux les horreurs dont était capable la sorcière. Et s'il fallait qu'il affronte seul avec le chevalier ces mêmes choses, voir pire, alors qu'il en soit ainsi. Mais il ne tolérait pas de rester en arrière. Pas maintenant que le danger toquait à leur porte.

Les hommes se levèrent et quittèrent le réfectoire. Il était temps de passer à l'action.

L'un des jumeaux partit en direction de la ville, afin de porter la nouvelle et les avertissements du chevalier à leurs compagnons d'armes, ceux-ci disséminés un peu partout dans les tavernes et garnisons de la cité. Les autres partirent rejoindre leurs propres troupes.

Quant à Vellocastus, lui ne pouvait aller nulle part ailleurs qu'au lit. Il savait qu'il était surveillé par des gardes-chiourmes de la Compagnie Blanche. De plus, les ordres reçus par le baron étaient clairs : demeurer au château jusqu'au lendemain. Il ne pouvait donc pas prévenir les siens.

Vellocastus gagna le dortoir dévolu aux sergents. On l'y avait attribué un lit pour la nuit, afin de pouvoir se reposer, en attendant de rejoindre son régiment, le lendemain. Cependant, tout dans ses tripes, lui indiquait qu'une bataille allait avoir lieu. Demain. C'était une certitude.

Il lui faudrait toutes ses forces pour se battre demain, ou dans les jours à venir. Quelque fut le jour décidé par les traîtres.

Ce ne serait, certes, pas son premier combat, mais à chaque fois, une sourde angoisse s'emparait de lui à la veille d'une bataille. Aussi, alla t-il se réfugier dans la prière au dieu Lugdum.

Il pria avec ferveur de pouvoir vaincre les ennemis des Hommes. De protéger les siens. Mais aussi que Lugdum protège ses hommes, encore ignorants de la menace planant sur eux et le reste de la cité. Qu'ils puissent être à la hauteur dans la bataille à venir.

Alors en pleine méditation, Vellocastus n'entendit pas tout de suite ses compagnons de chambrée arriver.

Il s'agissait des hommes avec qui il avait soupé. Seul l'un des jumeau n'était pas là. S'étant rendu en ville, ne comptant rentrer que demain matin, au levé du soleil et l'appel des troupes. Il devait d'abord faire le tour des régiments pour faire passer le mot, afin que l'effet de surprise soit minimal.

Toutefois, il n'aurait, fatalement, pas assez de temps pour prévenir tout le monde. Il faudrait donc continuer le lendemain. Jusqu'à ce que tous soient prévenus.

Vellocastus se releva de sa position de prière, observant les hommes autour de lui. Ils avaient tous des regards durs. De ceux qui en ont déjà bavé. De ceux qui ont affrontés des tempêtes et en ont triomphés.

C'étaient les regards de véritables guerriers.

" Avez-vous pu prévenir vos hommes ? Demanda Vellocastus.

- Les miens sont avertis et ils font passer le mot. Si jamais ça bouge cette nuit, nous serons aussitôt avertis. Annonça Fratos

- Idem pour moi. Fit Fusch.

- Et pareil pour moi, quoique ça a été difficile de leur faire comprendre qu'il allait sûrement y avoir du grabuge avec les mercenaires, du moins, autrement qu'à coups de poings. Dit Héliosos.

- Nos arbalètes sont prêtes au combat, cher Vellocastus. Annonça le jumeau restant.

- Nous sommes prêts pour la bagarre, jeune Vellocastus. Fit le doyen. Et je te promets qu'il y en aura un peu pour toi."

Le doyen fit un clin d'œil amusé à son jeune homologue.

Vellocastus hocha la tête. Le mot était passé, il ne restait plus qu'à attendre. Il aurait aimé pouvoir avertir ses hommes, lui aussi. Il lui faudra pouvoir les rejoindre demain matin, à la première heure, avant que la bataille ne commence.

Le sergent regarda à nouveau ces hommes.

Ils avaient tous combattus par le passé. Chacun ayant affronté son lot d'horreurs, tant humaines que des autres peuples de ces terres. Ils étaient de bons combattants, ainsi que de bons et loyaux camarades. Fiables et courageux.

Combien d'entre eux respireraient au soir de la bataille, lorsque la victoire ira finalement aux justes ?

Vellocastus était convaincu qu'ils allaient abattre le baron, la sorcière et leur clique de mercenaires. Cela ne faisait aucun doute.

Malgré leur or. Malgré leurs armures et leurs drapeaux rutilants, les troupes de mercenaires ne se battaient que pour l'or. Et rien d'autre. Dès qu'ils sentiront le vent tourner, ils s'empresseront de quitter le champ de bataille pour s'en aller ailleurs, se remplir les poches auprès d'un autre patron, peu scrupuleux.

Mais tel n'était pas le cas des hommes des Forces Régulières.

Eux, se battaient pour leur cité et pour l'Empire Krannien.

Mais, au-delà même de cela, ils se battaient pour leurs familles, la paix à l'intérieur des terres impériales. Ils se battaient pour défendre leurs foyers. Ce qui faisait d'eux de véritables soldats. Des hommes fiables, forts et courageux. Des hommes qui ne reculeraient pas même devant les démons vomis des Premiers Mondes.

Vellocastus avait foi en ces hommes. Et, il avait également foi en le chevalier Cador Brycham. Cet homme était bien plus puissant qu'il n'y paraissait. Il le suivrait jusqu'au Premier des Premiers Mondes, affronter le puissant Premier Né, s'il le fallait.

L'âme en paix, Vellocastus s'allongea sur son lit métallique, qui se mit à grincer sous son poids. Ce lit avait dût connaître au moins cinq empereurs, tant il était vieux et inconfortable !

Le sergent n'avait même pas pris la peine d'ôter ses bottes, ni de défaire son armure avant de s'allonger sur le lit. Gardant son épée à portée de main et posant son bouclier au sol, de façon à ce qu'il puisse l'attraper dans l'urgence.

Si, urgence il devait y avoir.

L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant