Chapitre 24, partie 4 : Malédiction

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            Lohrâ n'y prêta pas tout de suite attention, mais lorsque le baron cria une première fois de douleur, elle s'aperçut qu'à mesure que la sorcière psalmodiait, il semblait souffrir davantage.

Puis, après quelques instants, il se mit à fumer, comme s'il prenait feu. Son sang se mit à suinter par tous les pores de sa peau. Le baron se mit à hurler de façon continue. Sa douleur était telle qu'elle se répercutait aussi dans le plan magique, Lohrâ vit son âme, d'une couleur rouge foncé, être déchirée, petit-à-petit. Finalement, le corps du baron implosa et il n'en resta bientôt plus qu'un liquide rougeâtre dans la marmite.

Quant à l'âme du baron, la jeune fille continua de la voir, grâce à ses sens magiques. Elle était, inexorablement, aspirée par la marmite . Le visage grimaçant du baron venant disparaître dans une sorte de colonne astrale, uniquement visible par la magie, partant de la marmite et montant jusqu'au firmament. L'âme du baron s'était dissoute dans cette colonne, le condamnant au néant.

« Qu'as-tu fais ? Hurla Cador.

- J'avais besoin d'un sang royal, répondit simplement la sorcière. Et cet idiot était un descendant de Coemgen Le Brave. Ne pouvait-il y avoir meilleur sang que celui-ci ? »

Elle se tourna alors vers Lohrâ. La jeune fille sentit son sang se figer dans ses veines comme le regard de la sorcière se faisait pénétrant. Elle était la prochaine sur la liste des sacrifices.

La jeune fille voulut fuir, mais la sorcière la coinça grâce à sa sorcellerie. Elle fit léviter la jeune fille et l'amena à sa hauteur. Lohrâ se retrouva bientôt à contempler le blanc des yeux de la sorcière.

« Ma pauvre enfant. Tu n'auras vraiment pas eu de chance dans ta vie. Tu aurais dû vivre une merveilleuse vie dans le confort et la richesse. Finalement, tu périras dans la misère et la souffrance. Les Dieux ne sont-ils pas joueurs, n'est-ce pas ?

- Les Dieux, ils punissent les méchantes personnes comme toi ! Répondit courageusement Lohrâ.

- Diantre ! Mais c'est qu'elle mordrait ! Tu en es bien la digne héritière. Quel dommage pour toi de ne pas avoir pu goûter au luxe.

- Lâche cette petite ! Ordonna Cador.

- Ou bien quoi ? »

Cador parvint, à grand renfort de volonté, à se redresser. Sentant la magie tout autour de lui, et pouvant, à nouveau en user, son premier réflexe consista à se régénérer au mieux. Il domina de toute sa hauteur la sorcière et sa petite victime.

« Ou bien, je me verrai dans l'obligation de te tuer. Et dans les souffrances les plus atroces.

- Ho vraiment ? Voilà qui promet d'être intéressant. »

Tandis qu'elle parlait, la sorcière fit apparaître un stylet d'or dans sa main, avant de le planter dans le ventre de la jeune fille. Lohrâ, de prime abord, ne ressentit tout d'abord qu'une légère piqure. Cependant, elle commençait à se sentir engourdie par un froid, lui gelant le sang. La fatigue s'y associa. Et, finalement, la tête lui tourna. Elle se sentait nauséeuse et ne tenait debout que parce qu'elle était tenue par la sorcière.

Faisant disparaître son sort retenant la jeune fille prisonnière, la sorcière se tourna alors vers Cador, le toisant de toute sa hauteur, le mettant au défi de s'approcher. La jeune Lohrâ alla s'écraser au sol. Elle roula sur le dos, les yeux tournés vers le ciel. Elle se sentait partir, inexorablement.

Il faisait froid. Si froid...

Sans crier gare, le chevalier se jeta sur la jeune fille au sol. La prenant dans ses bras, il chercha à lui ôter le stylet maudit du ventre, hélas, sans succès. Ce-dernier était comme soudé au corps de Lohrâ et donnait l'impression d'en faire partie. Puis, tandis que le chevalier cherchait à user de sa magie, une brume verdâtre s'échappa du stylet, s'envolant en se tortillant droit dans la marmite.

Au contact de la brume, le liquide rouge à l'intérieur de la marmite se mit à bouillir à gros bouillons. Des bulles de plus en plus grosses se formant à la surface, explosant dans des gerbes de liquide. Alors que le mélange maléfique se faisait et que la sorcellerie opérait, la colonne de magie qui, un instant auparavant, n'était visible que par le biais de magie, devint visible à l'œil nu. L'immense colonne de magie verte montait au firmament, se perdant dans les nuages, leur donnant une teinte verdâtre maladive, ainsi qu'un aspect funeste.

Les nuages grossirent rapidement, puis ils recouvrirent entièrement la ville, cachant la lumière de la petite lune, Fänderys. Des gouttes se mirent à tomber. De grosses gouttes, d'une couleur jaune-verte écœurante. Une couleur qui n'était pas sans rappeler la couleur de la maladie. De la peste.

Cette pluie maudite arrosa toute la cité. Tombant sur les combattants. Aussi bien les vivants, que les morts. Ruisselant sur les visages et les armures. Au contact de cette eau, les hommes se sentaient faiblir, comme s'ils étaient sapés de leurs forces, tombant malade. Pourtant, ce ne fut pas le pire des effets de cette pluie maudite. C'est entrant en contact avec les corps des morts, que cette pluie révéla au grand jour le plan de la sorcière, ourdi de longue date.

Car, partout où l'eau maudite atterrissait sur les corps des soldats et des mercenaires morts plus tôt dans la nuit, ces-derniers eurent des soubresauts. Puis, ils bougèrent, se relevant les uns après les autres, partout en ville. Leurs doigts morts s'agrippant à leurs armes ou à tout autre objet à portée. Mais, il n'y avait pas que les cadavres des hommes à se relever, celui des bêtes également se remirent à se mouvoir. Tous étaient mûs par quelques esprits néfastes, entièrement voués à la sorcière. Hélas, même les cadavres de ceux morts depuis plusieurs décennies, ou siècles, creusèrent à travers la terre de leur tombe, regagnant la surface, pour former des rangs silencieux, aux doigts squelettiques tenant des armes rouillées et émoussées par le temps.

Alors, les morts se mirent en marches en direction du château, tuant tous ceux qui croisèrent leur route.

Le dernier acte de la bataille de Gervaldburg commença.

L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant