Chapitre 10, partie 2 : Fuyez ! Pour vos Âmes !

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            Cela ressemblait au bruit du vent dans les branches des arbres, lors de la Saison des Brumes et Moissons. Mais en moins puissant et autrement plus effrayant.

Cela lui rappelait un râle d'agonie et de tristesse. Quelque chose de déchirant, à même de faire saigner et pleurer une âme, même la plus noire.

Plus elle se concentrait sur ce râle, et plus Lohrâ trouvait qu'il s'agissait des pleurs de quelqu'un. D'une femme peut être. C'était à la fois triste et mélancolique. Comme une plainte venue d'outre-tombe, dans laquelle on pouvait y discerner toute la peine de la personne la poussant.

Puis, apparaissant depuis ce qui semblait être un angle du mur, au loin, la jeune fille vit une silhouette humaine. Elle portait des vêtements aux reflets violacés, sa robe, déchirée par endroits, venait caresser le sol, sans même paraître se plisser lors de ses mouvements. La silhouette portait également un corset, bien serré à la taille, lui faisant remonter une poitrine qui semblait généreuse. Mais, un châle venait lui draper les épaules, la poitrine et cachait son visage dans les ombres. Cependant, ses longs cheveux noirs, ne pouvant être entièrement couverts par le châle, virevoltaient au gré d'un vent qui n'existait pas.

Se tournant vers les adultes, Lohrâ s'aperçut alors qu'ils semblaient la voir, eux-aussi. Et sans le biais de la magie ! Elle ne comprenait pas pourquoi les trois hommes avaient resserré la prise sur leurs armes, aussi reporta t'elle son regard sur la silhouette au loin.

La femme, car il s'agissait, sans l'ombre d'un doute, d'une femme, avait le visage caché par ses mains, continuant de sangloter. La jeune fille ne voyait qu'une personne en peine et qui devait avoir désespérément besoin d'aide. Lohrâ commença d'esquisser un geste en direction de la femme en pleurs, afin de l'aider au mieux, mais Cador, plus vif qu'un lynx géant des Monts d'Or, stoppa net la jeune fille. Posant une main sur ses lèvres.

Pas un bruit, ou nous sommes tous morts !

Mais pourquoi ? Se demanda Lohrâ.

Parce que c'est un esprit perdu et qu'ils sont extrêmement dangereux.

Lohrâ comprit aussitôt pourquoi les adultes étaient aussi nerveux. Les esprits perdus étaient parmi les créatures les dangereuses qui soit. C'était les essences fantomatiques de personnes mortes avant l'heure, et toujours de façon cruelle. La plupart du temps, c'étaient les victimes de sacrifices humains des anciens temps, à jamais bloqués dans le monde des vivants.

Cependant, on racontait que de plus en plus de ces esprits faisaient leurs apparitions dans les villes et les bourgs à travers tout l'Empire. Bien des marchands colportaient de sordides histoires sur de nouvelles croyances, sanguinaires pour le moins, qui seraient arrivées et se seraient installées dans les recoins les plus reculés de l'Empire Kranien.

Les esprits perdus tenaient leur réputation, non seulement avec les ragots des marchands et des Longs Voyageurs, mais également par le fait que de nombreuses légendes à leur propos étaient répandues aux quatre coins de l'Empire, faisant état de garnisons entières décimées en quelques nuits d'horreur par une seule de ces entités.

Le problème qui se posait maintenant au quatuor improbable semblait insoluble. Ils devaient continuer leur route, mais cette-dernière passait droit sur le chemin du spectre. Ils n'avaient guère l'opportunité de faire demi-tour et de chercher un autre chemin, qui sait quels autres pièges mortels pouvaient avoir été déposés par la sorcière.

L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant