Chapitre 5, partie 4 : la Cité souterraine

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         " Vous allez donc la tuer. Enfin, du moins vous aller essayer, repris d'un ton condescendant le molosse...

- Nous ne ferons qu'appliquer la Justice Impériale. Telle est la tâche dévolu à notre Ordre : débarrasser l'Empire de tous ces rejetons infernaux que sont les sorciers, les Déchus et autres démons.

- Alors je vous souhaite bien du courage, il y a un mois j'ai envoyé un groupe de miliciens vers le château et un seul en ait revenu vivant : tous les autres ont été déchiquetés par quelques monstres rodant près du château désormais.

- Y êtes-vous allé ?

- Bien entendu, répondit d'un ton bourru le molosse, il n'y a pas deux jours j'ai mené personnellement une expédition pour chasser ces monstres. Mais ils étaient plus nombreux que la dernière fois et je suis le seul à m'en être sorti. Non sans mal..."

Le molosse appuya fortement sur ces derniers mots, comme s'il cherchait à se protéger de toute interprétation de couardise.

Non, décidément, quelque chose ne tournait pas rond en lui. Lohrâ en était convaincue. Elle le regardait fixement quand il tourna la tête vers elle et que ses yeux se verrouillèrent dans les siens.

Une explosion d'émotions et d'images apocalyptiques fusèrent dans l'esprit de la jeune fille. Elle ne parvenait pas à s'arracher à cette vision où ne régnait que la mort et la destruction sous un ciel rouge sang, où partout sur les plaines se trouvaient les cadavres de milliers de personnes, aussi bien des soldats que des civiles. Des femmes que des hommes, des vieillards, ou des enfants. Les corbeaux croassaient à la recherche des âmes perdues, à emmener dans l'Autre Royaume, celui des morts. Mais il n'y en avait aucune. Car la Grande Gueule de Feu les avait toutes avalé. Et elle failli bien être avalé elle-aussi, si elle n'avait eu ce mouvement de recul.

Elle se sentit tomber et heurter le sol. Et c'est en relevant les yeux qu'elle le vit, ce grand soldat à l'armure rouge et noire, dont les traits étaient cachés par son casque cornu. Il avait une masse d'arme à la main et un bouclier dans l'autre. Une longue cape faite en peau humaine et teintée dans le sang de ses victimes lui drapait les épaules.

Le Déchu, car c'était en était bien un, la regardait fixement et puis soudain, il leva sa masse et l'abattit sur la jeune fille, qui ne pût qu'hurler pour se protéger.

Lohrâ rouvrit doucement les yeux.

Premièrement elle n'était pas au Royaume des morts, ou alors ils étaient en train de prendre un bon repas car il y avait une forte odeur de saucisses.

Deuxièmement, si elle était morte, pourquoi le visage de Cador était penché sur elle ? Etait-il mort lui aussi ? Impossible ! On ne tue pas aussi aisément un chevalier de l'Ordre.

" Ça va jeune fille, interrogea Cador ?

- Ou... Oui... Oui, répondit d'un léger tremblement Lohrâ . ça va...

- Que nous as-tu fais là, fit le sergent ? Tu es soudainement devenue toute pâle et tu es tombée à la renverse.

- Je... Je ne sais pas..."

Lohrâ était toute déboussolée. C'était donc un cauchemar. Mais, comment peut-on faire des cauchemars comme ça, en plein repas, alors qu'elle ne dormait même pas ? Et qu'était-ce, ce cauchemar si terrifiant ?

Plus tard. Quand nous serons tranquille.

Lohrâ leva instantanément les yeux sur Cador et vit à son aire sérieux, que c'était bien lui qui, depuis le début, lui parlait dans sa tête. Elle se concentra très fort et pensa à "c'est vous qui m'parlez m'sieur le chevalier ?"

Oui. Mais ne dis rien. Plus un mot. Plus tard.

Puis il se mit à lui sourire et l'aida à se relever. La jeune fille se rassit sous les yeux de tous les convives, mais aussi des domestiques et des gardes. Elle avait tellement honte qu'elle en avait les larmes aux yeux. Mais non ! Elle ne pleurera pas ! Elle était presque une adulte ! Enfin... à quelques années près tout de mêmes... Mais ce n'était pas une raison pour se comporter comme une petite fille !

" Et bien alors ma jeune convive, dit le roi, auriez-vous fait un ignoble cauchemar ?"

"Ignoble", le mot était faible. Terrifiant serait plus approprié.

" J'me suis sentis très mal d'un coup, m'sieur le roi, c'est tout.

- Bien, le roi ne sembla pas se formaliser outre mesure du langage assez direct de la jeune fille. Et si nous continuions ? Ha ? D'ailleurs voilà un nouveau convive à notre table..."

Tous se tournèrent dans la direction où regardait le roi et un jeune garçon sortit des ombres et accourut vers eux. Il était blond, de taille moyenne, les yeux rieurs et un grand sourire était dessiné sur son visage. Il ne devait pas avoir onze ans. "il est à peine plus vieux que moi", se dit Lohrâ . Elle avait eu ses dix ans il y a un mois de cela.

Le jeune garçon courut attraper par le cou le roi. Ce-dernier rit à l'oreille du garçon et daigna enfin le présenter à tous.

" Je vous présente Adiscius, mon fils. Il n'a que onze ans mais il est déjà très fort et très intelligent. Quoiqu'un peu timide tout de même.

- B'jour à vous messieurs les guerriers, dit jovialement Adiscius à l'attention de Cador et du sergent. S'lut toi !"

Ce "salut" était adressé à Lohrâ qui répondit, en maugréant, un "salut".

Le jeune garçon s'assit à côté de son père, alors qu'on venait de lui amener un siège. Puis, il commença à manger. Ses cheveux blonds étaient coupés courts, son visage rond, avec cette petite touche d'innocence propre aux enfants, transpirait la jovialité et la joie de vivre. Ses yeux, d'un bleu profond étaient envoûtants. Lohrâ se surprit à n'être plus intéressée que par le nouveau venu. Non, elle s'était promis de ne jamais tomber amoureuse. Et puis, beurk, c'est dégoûtant !

" Quand souhaitez-vous partir chevalier, demanda le roi ?

- Demain aux premières heures. Le temps presse, plus nous laissons de temps à la sorcière et plus elle devient puissante et dangereuse. Je peux même vous assurer qu'elle s'en prendra d'abord à vous, avant de s'attaquer à la cité. Vous avez, vous-même, vu de quoi sont capable ses acolytes qui sont bien plus faibles qu'elle.

- Oui... Je ne sais pas si je parviendrai à dormir correctement à nouveau. Des instructions seront donnés pour que vos guides soient prêts dans les temps.

- Merci roi des Petits Rats. Votre sagesse est grande et vous fait honneur.

- j'ai à charge plusieurs milliers de personnes, sire chevalier, comment pourrai-je être roi si je ne faisais pas tout ce qui est en mon pouvoir pour les protéger. Et puis, je vous connais de réputation, chevalier Brycham. On dit que vous ne vous embarrassez guère de formalités quand à tuer les ennemis des Hommes, pas à tuer les Hommes eux-mêmes, sauf s'ils ont été touchés par l'Ennemi.

- Et bien, dans mon milieu, on peut dire que j'ai une bonne réputation donc."

L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant