Lohrâ avait la tête en feu. Un mal de crâne incommensurable l'empêchait d'avoir les idées claires. La jeune fille se sentait déboussolée. Elle n'avait pas la moindre idée de savoir où pouvait-elle bien se trouver, ni comment était-elle arrivée là ? Petit-à-petit, elle reprit ses esprits. Les souvenirs, quoique nébuleux, refirent surface. Apportant quelques débuts de réponses.
Elle se souvenait de l'artilleur lui disant de courir. Puis de l'instant d'après où il baignait dans une mare de son propre sang. Elle se souvenait, également, des cris de fureur, du bruit des combats, des râles des agonisants. Elle avait entendu le combat, abritée derrière la lourde porte menant au clocher d'alarme. Elle avait été terrifiée par tout ce vacarme.
Décidant qu'il valait mieux pour elle de s'éloigner de la cour, transformée pour l'occasion en champ de bataille, elle se souvint avoir grimpé, quatre-à-quatre, les marches de l'escalier et d'être arrivée sous la cloche. Là, elle s'était approchée du clavecin permettant de faire sonner la cloche, quand une voix avait résonné derrière elle.
Elle s'était alors retrouvée face à la fiancée du baron, la sorcière que le chevalier Brycham pourchassait. Lohrâ se remémora le sentiment de panique qui était monté en elle et, ô combien, s'était-elle sentie mal. Elle n'avait pas pu esquisser le moindre geste, afin de fuir, pas plus lorsque la sorcière avait levé un doigt fin vers elle, tout en lançant une incantation.
Ce sont, d'ailleurs, les derniers souvenirs qu'avait la jeune fille. Du reste, elle ne souvint pas comment elle était arrivée là. D'ailleurs, où était-elle ? Relevant la tête, elle aperçut les étoiles. Elle en déduisit qu'elle se trouvait en extérieur.
Jetant des regards de droite et de gauche, tout en se débattant, elle se rendit alors compte qu'elle se trouvait étalée au sol, sur le côté. Le pied d'un énorme chaudron en bronze lui cachait la vue. Poussée par la curiosité, tout comme le besoin de savoir dans quelle partie du château elle se situait, Lohrâ dût se tortiller pour voir ce qu'il se passait derrière l'immense chaudron stylisé.
Un immense sentiment d'horreur, accompagné d'une boule d'angoisse, l'envahit soudainement, comme elle vit Cador allongé au sol, inconscient et sans arme. Le chevalier était la totale merci de l'homme juste au-dessus de lui, le dominant de toute sa hauteur. Lohrâ observa que Cador n'était pas entravé. Etait-il mort ? La jeune fille sentit les larmes lui monter aux yeux.
Si le chevalier était mort, tout espoir était perdu. Comment les autres pourraient-ils faire, pour vaincre la sorcière ? Particulièrement s'ils ne disposaient pas de capacités magiques ? Si la sorcière était parvenue à abattre Cador, qui était un grand guerrier, ainsi qu'un puissant magicien, de ce qu'en avait vu Lohrâ, ses autres compagnons n'avaient pas l'ombre d'une chance.
Tout était donc perdu ? Ce chemin parcouru avait-il été fait en vain ?
Puis, Lohrâ sentit un courant de chaleur lui réchauffer le ventre. Non, rien n'était encore perdu ! La jeune fille distingua, lorsque l'homme au-dessus de Cador sen éloigna quelque peu, la poitrine du chevalier se soulever doucement, au rythme de sa respiration. Il était vivant !
Assommé et mal au point, mais vivant !
Le soulagement le plus total envahit la jeune fille. Ils allaient pouvoir vaincre la sorcière et son acolyte de fiancé, puis ils iraient à Krankdörf, comme le lui avait promis Cador.
Et puis, il y avait fort à parier que ce vieux grincheux de sergent soit dans les parages, attendant le bon moment pour venir les sauver tous les deux, surgissant tel un diable de sa boîte. Ainsi que ce retors de Cherche-chemin, jamais bien loin.
Lohrâ roula sur le côté et chercha à se cacher. Le baron s'était retourné dans sa direction. Mieux valait rester tranquille pour le moment. Attirer l'attention sur elle, ne lui semblait pas être une solution d'avenir. En roulant, elle comprit qu'elle se trouvait au sommet du château. Donc, tout en haut du donjon. Le vent se mettant à tourner, la jeune fille put sentir les odeurs qu'apporta celui-ci : l'odeur du feu et du sang. On se battait dans la cité !
La peur étreignit le cœur de la petite fille. Les pires craintes du chevalier semblaient se réaliser. Elle allait mourir. C'était une certitude. Et, elle n'avait nulle part où fuir, ni se cacher. Réfléchissant rapidement, Lohrâ en arriva à la conclusion qu'il lui fallait fuir, afin de trouver de l'aide pour elle et Cador, puis, tous ensemble, ils viendraient à bout du baron et de sa terrible fiancée.
Lohrâ se releva. Trop vite, car elle en eut le tournis et un bref instant, ses yeux se voilèrent de tâches noires, la désorientant totalement. Puis, les tâches s'estompèrent et la jeune fille recouvra rapidement la vue. Elle prit appui sur le créneau, se risquant à jeter un coup d'œil par-dessus le parapet, espérant trouver un moyen de s'échapper par là.
Ce qu'elle vit la terrifia.
Le quart de la cité était en feu. On voyait luire, à la lueur des incendies, les lames des combattants s'entretuant. La jeune fille, de là où elle se trouvait, n'arrivait pas à discerner qui étaient ses alliés de ses ennemis. N'étant pas experte dans le domaine militaire, elle ne reconnaissait nullement les bannières. Tout juste, si, par moment, elle parvenait à distinguer certains uniformes. Et encore, n'était-elle pas sûre.
« On dirait que notre jeune amie vient juste de se réveiller, fit une voix féminine. »
Lohrâ se retourna vivement vers la personne ayant parlé. Elle reconnut aussitôt la sorcière. Celle-ci arborait un sourire malicieux sur son doux visage. Elle semblait être la femme la plus heureuse du monde à cet instant.
Prenant peur, Lohrâ chercha son salut dans la fuite. Sans réfléchir, totalement prise de panique, la jeune fille se mit à courir vers la seule petite porte de bois présente dans son champ de vision. Elle espérait que cette porte la mènerait vers les étages inférieurs et qu'elle pourrait se cacher.
Hélas, une épée lui barra, soudain, le passage. L'arme était tenue par un homme de stature imposante, engoncé comme il l'était, dans une armure ouvragée et aux vêtements richement décoré. La jeune fille reconnut là le baron Von Hilden.
Faisant, aussitôt, volte-face, elle courut en sens inverse, cherchant à échapper à la lame mortelle. Hélas, la jeune fille se retrouva bien vite acculée au niveau du parapet, sans aucun moyen de fuir. Elle était totalement prise au piège !
Toujours souriante, la sorcière se rapprocha doucement de la jeune fille. Arrivée à sa hauteur, elle lui posa une main douce et rassurante sur l'épaule. Lui souriant de toutes ses dents blanches et parfaitement alignées, la sorcière dégageait une aura douce, apaisante, à la saveur suave et enivrante.
Cependant, la proximité d'un tel monstre paniqua encore plus Lohrâ, qui, instinctivement, usa de sa magie. La sorcière lui apparut alors sous sa forme magique, dévoilant sa véritable nature : celle d'une créature horrible, décharnée et flétrit par la Mal.
Clignant des yeux, Lohrâ eut un mouvement de recul, la rapprochant dangereusement du vide.
« Hé bien, serait-on magicienne sur les bords ? Demanda la sorcière. Inutile de répondre, cela se sent à plein nez, ma chère enfant (la sorcière se rapprocha encore plus de la jeune fille).
- N'est-elle alors pas plus dangereuse ? Demanda l'homme à la large épée. Tuons-la et qu'on en finisse.
- Non, mon ami. Lui répondit la sorcière, sans détourner le regard de Lohrâ. Nous avons un rituel à finaliser et des Dieux à contenter. Mais pour cela, il ne faut pas qu'elle meurt maintenant. »
La sorcière se détourna alors de Lohrâ.

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L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ -Récit terminé -
FantastiqueAprès leur défaite, sorciers et guerriers Déchus sont retournés panser leurs plaies dans leur lointain pays. Ruminant leur défaite. Préparant leur retour sanglant. Toutefois, certains d'entre eux sont restés au sein de l'Empire, préparant le terrain...