Il est vrai que depuis tous temps, les raids des guerriers claniques des Terres des Sorciers avaient constamment assaillis les territoires frontaliers qui étaient en premières lignes. De nombreuses batailles ont eu lieux et ont encore lieux dans les plaines et les forêts de ces régions de l'Empire. Souvent il ne s'agit que d'escarmouches, parfois ce sont de véritables batailles rangées, importantes et mobilisant plusieurs milliers d'hommes.
C'est d'ailleurs pour tenter de juguler ce flots d'attaques, que l'empereur Coemgen V, dit le Fier, avait fait édifier plusieurs tours de guet le long des frontières. Mais, avec le temps et les luttes intestines du siècle passé, la plupart sont tombées en ruines ou été prise par l'ennemi. Et aujourd'hui, ce réseau n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été et très peu de tours étaient encore en assez bon état pour être habitées par une garnison. Sans parler des tours hantées par leurs derniers occupants, mystérieusement massacrés...
Cador fit appel à ses sens magiques pour sonder l'ancien caporal. Il ressentit une détermination farouche, beaucoup d'honneur et de fierté, mais aussi une énorme tristesse et une grande lassitude. Cet homme ne semblait pas avoir eu de vie particulièrement douce et heureuse.
" Dites-moi, il me semblait que la pension d'un ancien caporal est assez bonne pour pouvoir s'installer et se lancer dans une autre carrière, comment avez-vous atterri dans la Cité Souterraine ?
- Hum... J'aimai ma femme, plus que tout au monde. Mais elle, non. Elle m'a préféré un juge, plus fortuné et ayant une meilleur position dans la chaîne alimentaire de la cité, comme il m'a dit.(Le ton de Cherche-chemin se fit plus sec et narquois à l'énoncé de son histoire personnel). Du coup, il a réussi à faire casser mon mariage, à me prendre jusqu'à ma dernière pièce de ma pension en me faisant passer pour un voleur et sous le prétexte, fallacieux, que je violentais et abusais de ma femme, il me fit mettre au cachot. Mais je parvins à m'enfuir avant et me réfugiais ici. Le roi des Petits Rats m'accueillit à bras ouverts et me proposa un poste dans sa garde personnelle au vu de mes états de service. En fait, le roi a bien plus d'honneur que la plupart des bourgeois et nobles de la surface.
- Et vous n'avez rien pu faire contre ce juge ? Vous n'avez pas cherché à vous venger ?
-Non, je ne pouvais rien faire, il était le juge le plus influent et si, j'ai cherché à me venger. D'ailleurs je me venge de bien des façons : en organisant le détournement de chariots de victuailles destinés aux bourgeois et nobliaux, en faisant des rapines un peu partout en ville pour tout ramener ici et en faire profiter tous ceux qui ont été abandonnés par la surface.
- C'est donc vous le fameux voleur que le juge Czingorvald fait activement rechercher, intervint soudainement Vellocastus ?
- Si fait, c'est moi. Pourquoi, vous comptez m'arrêter ?
- Certainement pas, voyez-vous, pas un seul soldat de cette ville n'a eu un jour d'histoire avec cet être répugnant. Et du coup, nous ne faisons pas beaucoup d'effort pour coincer les coupables."
Cador tourna la tête vers Vellocastus, un air amusé sur le visage.
" Et bien, sergent ? Je m'imaginais que vous fussiez plus intransigeant que ça.
- Je sais où placer mon honneur et ma fierté, chevalier. Répondit simplement Vellocastus, le port fier."
Cador n'eut même pas besoin de ses sens magiques pour sentir la colère de Vellocastus. Elle irradiait de lui par tous les pores. Le sergent semblait avoir eu de gros soucis avec ce fameux juge. Le chevalier se dit qu'il irait bien lui rendre une petite visite de courtoisie à ce juge. Histoire de voir de quoi il en retourne.
Lohrâ ne dit rien, mais elle aussi connaissait ce fameux juge : un gros bouffis de suffisance et de bonne pitance ! Cet homme adorait tourmenter les gens sans ou avec peu de défense et n'hésitait pas à prendre de bons repas pendant les exécutions. Il avait aussi fait installer de nouvelles cuisines juste à côté des geôles, faisant encore plus souffrir les prisonniers en leur faisant humer ainsi les odeurs de bonnes cuisines, alors qu'ils n'ont qu'une cruche d'eau et un gruau grisâtre indéfinissable pour toute pitance. Quand ils en ont une.
Oui, Lohrâ détestait cet homme, elle aussi. Elle se demanda si les chevaliers de l'Ordre avaient le droit d'intervenir contre ces gens-là.
A moins qu'ils ne soient corrompus, non.
Encore cette voix ! Mais cette fois, Lohrâ savait de qui il s'agissait.
Même si ils ont fait beaucoup de mal à pleins de gens ? Demanda t'elle.
Même si ils ont fait beaucoup de mal à pleins de gens, oui. Si par contre il y a des soupçons de trahison...
la voix n'alla pas plus loin, mais Lohrâ avait tout de suite compris comment la suite devait se dérouler. Elle s'autorisa un grand sourire, en imaginant le gros juge devant un chevalier et demandant grâce.
Le groupe atteignit un premier embranchement. Les tunnels se divisaient en quatre devant eux et en trois derrière eux. Des torches avaient été installées et semblaient être régulièrement entretenues. Cherche-chemin expliqua que le roi des Petits Rats avait créé une cohorte de travailleurs affectés à l'entretien des tunnels principaux. Le nombre de disparus et de morts inexpliqués baissa drastiquement suite à cette décision.
L'ancien voltigeur expliqua brièvement où menait chacun des tunnels leur faisant face. Celui de gauche était inondé à deux lieux d'ici, ne menant nul part, celui d'à côté menait au quartier Sainte Gwennaëlle, celui du milieu menait vers le château et celui de droite vers un ancien cimetière, oublié de tous.
Ils prirent donc le tunnel du milieu. Mais avant d'y entrer, le voltigeur leur expliqua qu'il fallait payer le passage. Il glissa une pièce dans une vasque en pierre situé à l'entrée du tunnel. Vellocatus, Cador et Lohrâ, à qui le chevalier avait offert une pièce, en firent autant et pénétrèrent à la suite de Cherche-chemin.
Comparé au tunnel qu'ils avaient pris en quittant la Cité Souterraine, celui-ci était froid et sombre, malgré les torches allumées tout du long. Les Ténèbres régnaient ici et Cador pouvait ressentir tout le mal qui imprégnait les lieux. La température chuta rapidement et de petits nuages de condensation se formèrent devant leur bouche lorsqu'ils respiraient.
Lohrâ se sentit aussitôt mal à l'aise. Quelque chose de terrible s'était produit ici. Elle sentait que c'était par là que le Mal s'infiltrait vers la Cité Souterraine. Elle voulut s'enfuir. Courir loin et vite, vers la chaleur et la sécurité, même relative, de la Cité Souterraine. La lueur des torches ne suffisait pas à éclairer sur plus de deux mètres. La jeune fille se sentait oppressée. Elle respirait de plus en plus vite et de plus en plus fort.
Cador se tourna vers elle et posa ses mains sur ses épaules, d'un air protecteur. Et d'un voix douce, lui dit :
" Tout va bien jeune fille. Il n'y a aucun danger. Ce que tu ressens c'est la présence de sorcellerie noire. C'est la première fois que tu en ressens autant, et il est tout à fait normal que tu sois apeurée, mais n'oublie pas que nous sommes là avec toi. Nous avons une sainte mission et nous sommes des porteurs de lumière dans ces ténèbres. Nous sommes le bras armé de la Justice Impériale. Nous sommes le dernier rempart de l'Empire contre les déprédations des sorciers et de leur engeance. Nous sommes plus fort qu'eux et nous triompherons de ce mal."
La jeune fille sentit à nouveau la chaleur. Cador, tout en la rassurant par ses paroles, insufflait en elle une chaleur magique, afin de l'apaiser et de lui permettre de reprendre courage. Elle ne devait pas craquer maintenant. Pas après tout ce qui s'était passé.
Lohrâ ferma les yeux et se concentra sur cet élan magique et soudain, elle vit, comme en plein jour, le tunnel. C'était comme si, en fermant les yeux et en se concentrant, elle avait émis comme une onde magique, qui avait balayé les Ténèbres et révélé ce qui était caché. Le tunnel n'était pas très large, on ne pouvait l'emprunter qu'à deux de front, et encore. Il n'était pas très haut non plus et il n'y avait rien d'autre que de la poussière au sol.
VOUS LISEZ
L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ -Récit terminé -
ParanormalAprès leur défaite, sorciers et guerriers Déchus sont retournés panser leurs plaies dans leur lointain pays. Ruminant leur défaite. Préparant leur retour sanglant. Toutefois, certains d'entre eux sont restés au sein de l'Empire, préparant le terrain...