9.

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Le son lourd des basses, sèches et claires, arrivent à mes oreilles. Sans l'indication sonore, j'aurais mis ma main à couper que c'était ici, ce fameux concert. Une centaine de personnes sont dans la salle, plongée dans la pénombre, parfois éclairée par les spots de la scène où bougent vivement cinq mecs. Les cent personnes reprennent en chœur les paroles scandées par les rappeurs. L'instrumental derrière est plutôt original, mais on est loin de la musique qui fait battre mon cœur depuis mes quatre ans.

J'envoie un message à ma sœur, lui demandant où elle est exactement et me répond après cinq longues minutes :

A côté du pilier à droite de la scène.

Avec cette indication, je ne mets pas vingt secondes à la trouver, accrochée au bras d'un grand mec, affublé d'une casquette à l'envers et d'un jean troué au niveau du derrière. Classe.

Arrivant par derrière, je donne une tape sur l'arrière du crâne de Béné, ce qui a le don de l'énerver.

En me voyant, elle crie, de surprise et de déception, d'avoir perdu son pari débile.

- Alors, frangine, tu dis quoi là ? Plus rien, je suis en train d'écouter du rap !

- Bravo, tu auras droit à une médaille.

- Non, un grec !

Elle se marre, glisse quelque chose dans l'oreille du mec collée à elle, et me fait signe de regarder le concert. La fumée ambiante et épaisse dans la salle masque de là où on est les mecs que je voyais gambader sur la scène il y a encore dix minutes.

- On voit rien, Béné, c'est nul.

Ce qu'elle ne peut pas comprendre, c'est que j'ai besoin de voir ce qu'il se passe sur scène pour apprécier un concert. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais si je ne vois rien de ce qu'il se passe, je suis perdue et je trouverais forcément le concert pourri. Dommage, parce que depuis le début de la chanson, je trouve le son plutôt agréable, et le peu de paroles que je comprends, pas dégueulasses.

Elle me pousse alors et je bouscule les trois mecs devant nous. Je me retrouve alors à un mètre de la scène, pile devant les rappeurs.

Des rappeurs que je connais, que j'ai connu, que je ne voulais plus croiser, et puis en fait, si je les revois. Ma bande de petits cons. Celui que je crois être Mo, le grand malin bavard, s'agenouille sur le devant de la scène, et pendant qu'il rappe vite, et que je ne capte rien à son flow, il me montre du doigt en inclinant sa tête sur le côté.

Les gens autour de moi sifflent, et peu confiante sur le contenu de son phrasé, je recule, penaude et part me cacher au fond de la salle.

Je m'allume une cigarette, et m'assied par terre.

Et j'essaie, bien que loin de la scène, de me plonger dans ce concert et essaye d'en apprécier les mots qui sont à ma portée de novice, le rythme tantôt dansant ou plus lent, l'instru parfois scratchée ou laissée brute, la voix rocailleuse et finalement agréable du fameux Ken.

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- Alors c'est bon, t'es convertie ?

- Pas du tout, tu sais très bien qu'il n'y a que le rock dans ma vie.

- Jure, t'as pas kiffé ?

- Euh c'était sympa, mais pas franchement ma tasse de thé. J'ai le droit, hein !

- Mais trop pas frangine. Y en a marre de ton rock qui me soûle toute la journée. Attends, je reviens...

Le dialogue de sourds dans toute sa splendeur. Elle ne lâchera pas le morceau, moi non plus. Relevée depuis la fin du concert, je trépigne d'impatience sur mes Docs usées, clopant quelques cigarettes à la suite, pour rentrer à la maison, et éviter de croiser les clients les plus chiants de mon Mac Do.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant