La bulle prend forme au fur et à mesure que les journées se suivent, dans un ballet humain frénétique, dû aux fêtes qui s'approchent. Au fur et à mesure que les journées se raccourcissent, mon amitié prend de l'ampleur avec les garçons. Mes garçons à moi ne sont pas pour autant mis sur la sellette, je respecte scrupuleusement mon planning de nos répétitions. Bien que souvent posée chez Antoine ou Lo, la perspective de les laisser m'ennuie, je me motive pour aller m'éclater sur MA musique avec mon groupe.
Je me suis mise un peu au rap, sous l'insistance farouche des garçons. Toute façon, quand je squatte avec eux, je n'ai pas vraiment le choix. Antoine me sert de Dj personnel, histoire de ne pas trop me brusquer, y va étape par étape. Il a commencé par me faire écouter les plus gros sons des darons du rap français, les fameux IAM. Un soir, alors que leur apparemment mythique A l'école du Micro d'Argent tournoyait sur le tourne-disque, mon père rentrait du travail et s'était étonné de me voir écouter cette musique sans faillir.
- Si je pensais que tes fréquentations un jour te feraient changer de bord.
- Papou, n'abuse pas. Je ne te fais pas d'infidélités, je m'ouvre au reste du monde c'est tout.
- Tout va bien, m'a-t-il demandé maladroitement, aussi maladroitement qu'un père peut l'être avec sa grande fille, à qui il lui est arrivée des choses dépassant son papou.
- Oui, papou, je vais très bien.
Et pour la première fois depuis longtemps, je ne me suis pas surprise à mentir. C'est vrai, passer du temps avec les garçons, aller les voir freestyler à des open-mic devant de plus en plus de monde, enjoué, faisait que je me sentais bien. Et que comparé à l'an dernier, j'appréhendais autrement la période des fêtes.
L'an dernier, Noël pour moi avait eu la signification merdique qui lui revenait, vu ce qu'il s'était passé un mois avant. Je n'avais pas eu la force de faire la fête avec tous les cousins, tantes et tout, comme la tradition le voulait. Mes parents, compréhensifs comme jamais s'étaient sacrifiées en organisant une simple soirée sans tralala tous les quatre autour d'une dinde au four. On ne s'était rien offert, de matériel je veux dire, juste une présence mutuelle apaisante et rassurante. Leur présence dans ce moment difficile de ma vie était le plus précieux de tous les cadeaux qu'ils avaient pu m'offrir jusque-là. Cette année, on ne fait rien de spécial, mais je tiens à leur offrir quelque chose. C'est pour ça que je rejoins ma sœur aux Halles après mon service à 13h15.
Avec les garçons, je m'affaire à construire une amitié solide. En particulier avec Antoine. Celle que je bâtie avec Ken est un peu spéciale, compte tenu de ce qui a failli se passer entre nous. Mais on gère tranquillement en prenant le temps de se découvrir. Il n'est pas très causant, sauf quand il s'agit de rapper, me parle peu de lui, plus des autres autour de lui. Mais je discerne à travers ce qu'il veut bien me dire un être fragile, torturé et peu sûr de lui. Sauf avec les filles.
J'ai eu le temps de m'en rendre compte lors des quelques soirées où je me suis rendue, où il vient accompagné. Ou repart accompagné. Elles sont toutes hyper canon à chaque fois. Des courbes parfaites, de jolis minois, une assurance et une présence attirante pour la gente masculine. Pas une fois je les ai revues. Pas une fois je me suis surprise à les envier.
J'essaie de me dire que cette ambiguïté, que j'ai cherchée, est saine, normale, amicale. Amicale, ouais... Pourtant c'est notre deal de base, devenir amis. Parce que je suis incapable de lui offrir plus. Tout du moins, j'essaie de m'en persuader. Ce qui me permet de ne pas vouloir dépecer ces poulettes qui font leur unique apparition dans la bande. Et honnête avec moi-même, je ne peux rien lui reprocher. Mais putain, ça me bouffe.
Heureusement, avec tout le reste de la bande, ça se passe super aussi. Je me sens acceptée et appréciée. Sauf peut-être un peu moins par Mekra qui me lance des regards sombres et déstabilisants quand je papote, bourrée et collée à Ken. Et qui ne me parle presque jamais, sauf pour me demander ma part au grec.
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De Rock et de Feu
FanfictionLa rencontre entre deux mondes différents... Ambre ne vit que pour le rock, sa basse, son groupe et sa tignasse. Tout ça l'aide à oublier un passé récent douloureux et tragique. Pour remonter la pente, elle partage sa vie entre les répét', son job c...