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Dimanche 3 Avril 2011

Aujourd'hui, à ce qu'on m'a dit, c'est une date un peu spéciale. Ah bon, pourquoi ?

Mouais, ok, c'était pas drôle.

La fête de ce soir promet de l'être par contre. Vu la quantité d'alcool prévue par les garçons, la cargaison de Marie Jeanne en stock, on va bien se marrer. Les garçons ont « loué » les locaux d'une association où ils allaient souvent l'an dernier rapper, dans le 14eme. Le responsable des lieux Olivier est quelqu'un d'adorable et n'a pas hésité à prêter les lieux le temps de la fiesta de ce soir.

On y a tous rendez-vous ce soir à partir de 19 heures. Pour ma part, j'espère pouvoir y être à l'heure, je passe la journée au Twin, pour enregistrer le piano de cette chanteuse dont le nom, à la consonance allemande, m'échappe. Malgré qu'on soit dimanche, Anthony a eu un empêchement pour qu'on enregistre hier. Du coup, Bruno m'a demandé si ça me dérangeait de venir aujourd'hui. Il m'a promis de doubler mon cachet. J'ai quand même hésité parce qu'aujourd'hui, c'est l'anniversaire de l'homme qui fait battre mon cœur, et je serais bien restée avec lui. Mais bon, avec mon impair de mercredi, fallait que je me rattrape pour retrouver la confiance de Bruno.

Pour ça, j'ai taffé de fou depuis jeudi. Je me suis arrangée avec ma sœur pour qu'elle descende le clavier, dans sa housse à la concierge, avant d'aller en cours. J'ai attendu midi, que personne ne soit dans les parages pour aller le récupérer, non sans m'être pris un commentaire moisi de la concierge. Je suis revenue chez Ken avec mon Yamaha sur le dos qui fait son petit poids. Mais maintenant, je connais presque tous les morceaux par cœur. Les voisins de Ken aussi. Alors quand tout à l'heure, je m'installerais derrière le piano, j'espère bien que mes doigts glisseront tous seuls et qu'une prise ou deux suffira par morceaux.

En attendant, je mords dans un croissant que je suis allée chercher à la boulangerie au bout de la rue, et je regarde Ken dormir. Torse nu, il s'est entortillé autour du drap, dans la seconde où je me suis levée. Il a grogné, je lui ai murmuré « bon anniversaire, le Fennec » avant de déposer un rapide bisou derrière son oreille. Et je suis restée à l'observer comme une psychopathe, cinq bonnes minutes, le temps de me réveiller et de me dire que pour ses 21 ans, il était encore plus beau que pour ses vingt. Instant mièvrerie, j'en conviens, mais allez rester impassible à son charme irrésistible matinal.

J'ai hâte que la journée loin de Ken passe vite, que je le retrouve ce soir. Je sais qu'il sera l'élément principal de la soirée, sans lequel elle n'aurait pas de raison d'être. Il sera au centre de l'attention, mais j'espère qu'il me laissera une place à ses côtés. Même minime, mais de copine. L'officielle je veux dire.

C'est comme ça qu'il a voulu me présenter à un de ses amis, rencontré alors qu'on se baladait vendredi après-midi. Le soleil était radieux, et même si la perspective de rester enfermés à faire l'amour comme des sauvages me tentait bien, j'ai ressenti le besoin de m'aérer, prendre l'air. Sur le chemin d'une petite pâtisserie juive qui avait attiré mon regard quelques jours avant, Ken a croisé un mec que je n'avais jamais vu mais ils se connaissaient.

- Salut, mec !

- Salut, Hugz. Tu te décides à pointer ta tête hors de ton stud' ?

- Ouais, grave j'avais besoin d'air. Tu me présentes pas ?

Il m'a souri, j'ai répliqué, et je me suis penchée vers lui pour lui faire la bise. Pendant que sa joue claquait contre ma bouche, Ken m'a présentée, comme s'il était forcé de le faire :

- Hugz, Ambre... Ma meuf...

- Ah, la fameuse ?

Gros blanc. Ken n'a rien dit, il a fixé le bout de ses Blazer. J'ai eu envie de le secouer, lui demander pourquoi je serais la fameuse meuf. Mais un truc au fond moi, alourdissant mon âme, m'a fait dire qu'il ne s'agissait pas de moi et que le Hugz a voulu parler d'une autre. Quatre lettres me sont apparues et m'ont fouetté violemment le visage. Suga. La voilà la fameuse, celle dont Ken ne m'a jamais parlé. Celle qui a eu une place prépondérante dans sa vie. Et qui en a toujours, squattant sa boite mail.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant