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Point de vue Ambre

Chaque portion de mes courgettes ou aubergines dans la sauce est un supplice supplémentaire que j'inflige à mon estomac, refermé sur lui-même. Comme tout le reste de mes organes d'ailleurs. Mon cœur fonctionne encore, mais ça tient du miracle. Sûrement grâce aux pouvoirs extraordinaires du corps humain, qui subsiste malgré tout.

La bande autour de nous échange bruyamment. Seuls deux êtres, muets et renfermés ne participent pas à la discussion. Je sens plusieurs regards converger vers nous, mutiques à regarder le fond de nos assiettes encore pleines à craquer. Au moins, on aura trouvé un terrain d'entente ce soir, celui de s'être coupé mutuellement l'appétit.

Chloé, qui connaît le fond de l'histoire, essaye de m'envoyer, au travers de ses jolis yeux, un peu de soutien. Je la regarde, immobile, à faire bonne figure. Alors que je pourrais tout péter sur mon passage.

Je profite de l'embrouille passagère, une sombre histoire de serpillère, pour me lever, ni vu ni connu et déguerpir en catimini jusqu'au salon, la première pièce que je trouve, m'éloignant de Ken. Je cherche un objet des yeux, que je pourrais éclater contre le mur sans que les proprios le remarquent. Cette poterie ignoble, en forme de cupidon dodu qui accueille de ses bras potelés des fruits, franchement, qui verra que cette horreur manque à l'appel ?

Pendant que je m'en empare, une voix vient briser la colère grimpant en moi alors que j'imagine cette bouse décorative voler en éclat. Un peu comme mon cœur après que Ken m'ait laissée, seule dans ce couloir, à me demander si notre discussion n'avait pas eu lieu sur une autre planète.

- A ta place, je ferais pas ça !

- Ce serait leur rendre service, sérieux.

- Je suis d'accord avec toi, il pouffe, mais y a surement d'autres moyens.

Mekra me prend des mains mon objet vengeur et le repose sur le vaisselier à côté de nous.

- J'ai besoin de péter un truc, je lui confie. Sinon c'est sur moi que je vais me rabattre.

- T'es pas ienb' ma parole. Y a aussi d'autres moyens que de se faire du mal pour aller mieux. Je te roule un pilon ? Il reste de la vodka et du sky si tu veux...

- J'en ai ma claque, Mekra.

Mes poings s'abattent doucement sur le torse du meilleur ami de Ken, pas beaucoup mieux bâtit que mon grec, mais quand même. Il reçoit mes coups sans broncher, sans rien dire de plus. Je précise alors :

- Ma claque de tout merder.

- C'est pas parce que vous vous êtes pris la tête 5 minutes pour des bails chelous que tu as le droit de dire que tu rates tout. Ça arrive, hein ! Et puis, au cas où t'avais pas remarqué, il t'aime grave. Vous allez vous parler, mettre les choses à plat et régler le tout sur l'oreiller et ce sera de l'histoire ancienne.

Je ricane en entendant Mekra évoquer notre vie sexuelle, à Ken et moi.

- On peut définitivement pas tout régler au pieu. Et pourquoi ça marcherait ?

Une seconde fois, mes points claquent sur son torse, un peu plus fort cette fois. Il bronche toujours pas et continue à son tour :

- Parce que je sais qu'il pourrait pas vivre sans toi. J'ai vu comment il a tiré la gueule dimanche dernier jusqu'à ton arrivée. Y a juste mardi soir qu'il avait un smile de grand crétin, j'ai pas trop compris...

Malgré la noirceur de mes pensées, une fine lumière s'allume en moi et me ravive le temps de penser ce dont à quoi Mekra fait allusion.

- T'as tes travers, t'es chelou comme pas deux, tu viens sûrement pas de la même planète que nous, mais c'est comme ça que le Fennec te kiffe. Crois-moi, il irait voir ailleurs pour rien au monde. Il a compris la leçon la fois où il a fait de la merde en boite.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant