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Le couloir de l'entrée, est peint dans un blanc pur. Une grande plaque dorée et gravée indique que je suis bien là où un certain Bruno Maby m'attend. Quelques affiches d'albums sont accrochées le long des murs. Oh putain. Les Rolling Stones. Les Stooges. Téléphone. Taxi Girl. Plus récemment, BB Brunes. Ou bien Superbus. Mon univers, c'est celui-ci. Je n'ai plus peur. Passer un entretien avec pour objet principal le piano, la musique, rien de plus facile.

- Mademoiselle Guérin ?

- Elle-même, je réponds en tendant ma main.

- Bruno Maby, suivez-moi, on va allez se poser dans la salle de repos.

Une salle de repos dans un studio d'enregistrement ? Classe. Ou plutôt utile ?

- Installez-vous.

La déco de cette salle est aussi épurée que celle de l'entrée. Un canapé club au cuir vieilli trône au fond de la pièce, entre une table avec deux énormes machines à café et une autre, garnie de bouffe en tout genre. Je pose mes fesses dans ce canapé moelleux, en espérant ne pas devoir le poser souvent, faute de quoi je passerais ma vie à y dormir.

- Un ami en commun a parlé de vous comme quelqu'un de très doué en piano. De libre aussi. Vous devez pouvoir vous rendre disponible à chaque fois qu'on aura besoin de vous. Ce qui peut être pas du tout un mois, tous les jours le suivant.

- Ça me va.

Des plans sont échafaudés à la seconde dans ma tête. Ne plus donner de cours. Quitter Bob.

Quitter Bob ??? Ah non, ça je ne peux pas.

- Quand vous dites libre, c'est H24 ?

- Non, bien sûr, mais de 8 heures le matin, à 22 heures le soir.

- Parce qu'en fait, j'ai un petit emploi chez un disquaire...

- Je suis désolée, mademoiselle Guérin, il va falloir le quitter. Où négocier avec votre patron pour qu'il vous lâche dès qu'on vous contactera.

- Bien sûr, je vais m'arranger.

Dans ma tête, j'ai envie de tout, sauf de m'arranger. Je ne peux pas quitter Bob. Il a besoin de moi. J'ai besoin de lui.

Ambre, on parle d'un taf au studio Twin où Jagger et Iggy ont enregistré un de leur album. Bob n'a rien enregistré, non ?

Il continue à me donner deux ou trois détails concernant l'organisation des journées, planning d'enregistrement et repas. J'ai bien compris qu'ici, si on veut se nourrir, c'est de barres chocolatées ou de croissants beurrés. Voire même de beignets.

- Suivez-moi Ambre, j'aimerais vous entendre jouer...

Ah, il en vient à l'essentiel. Si mon gros derrière me le permet. Il était trop bien, lové au fond de ce canapé confortable à souhait. Je me lève, maudis mes fesses et suis le Bernard, Bertrand, Bruno Machin.

- Voilà.

Et là comme une gamine au musée du Jouet et des Guimauves à la fraise, j'ouvre grand les yeux. Une pièce remplie de pianos. Un droit, blanc nacré, un Pleyel. A côté, un noir, à queue, un Steinway, la Rolls des piano. Et au fond, un piano ancien, en bois patiné, Burgasser. La grande classe quoi. Si je devais en choisir un des trois, je mettrais des jours à me décider. Justement, premier choix à faire :

- Choisissez celui qui vous plait et jouez-moi n'importe quoi. Mais épatez-moi.

- D'accord.

Et là, je me revois dans la boutique de piano, dans le quartier du Marais, avec mon père, pour aller acheter mon premier piano. Un vrai piano. Je me revois rentrer dans la boutique, respirer l'odeur du bois, m'enivrer de l'ambiance particulière qui y régnait. Je me revois émerveillée, poser mes yeux sur tous les claviers et demander à mon père de choisir celui-ci, ou plutôt celui-là ou encore celui du fond.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant