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Point de vue Ken

Je la vois arriver, de loin, hésitant à marcher tellement son équilibre semble compromis. Je la vois se diriger vers moi, chez elle après tout, et marquer une courte pause quand ses belles billes viennent se poser dans les miennes, vitreuses et en sale état. Putain de coquard.

Mon cœur marque lui aussi une courte pause à cet instant-là, quand je sens que la soirée ne fait que commencer, pour elle, pour moi. Elle a déjà eu son lot de merde pour la soirée, mais je suis déter' comme jamais pour reprendre le flambeau.

Je ne partirais pas d'ici, sans qu'on ait mis les choses au clair. Si pour elle, tout ça là, devait lui paraître sombre. Aussi sombre que ce regard violent qu'elle m'inflige. Je ne suis pas certain d'arriver à lui dire tout ce qui occupe mon foutu cerveau ces derniers temps, mais au moins m'entendre lui dire un dixième, je pourrais considérer ça comme un bon début, venant de moi.

Elle se poste, droite comme un piquet, en face de moi. Je ne sais pas si c'est mon coquard ou mon dernier pétard qui me brouille la vue à ce point, je n'ai aucune idée du mot que je pourrais placer sur ce regard. Pourtant avec tous ces bouquins que je me farcis, j'en ai du vocabulaire. Putain, ouais, j'en ai, mais là, rien ne me vient. A défaut d'exister, je dois peut-être l'inventer, ce mot qui décrirait ce bordel régnant en ce moment même dans ses yeux.

Dans l'attente d'une réaction de sa part, vocale, physique, silencieuse, violente, peu importe, tant qu'elle me montre que j'existe et qu'elle le sait, je reste immobile devant elle, laissant lentement ma garette se consumer. J'aimerais prendre le risque de bouger un peu ma casquette, la remonter, mais j'ose pas. Comme si ce geste, anodin pour moi, pouvait déclencher en elle la furie que je lui connais.

Je tente alors ma chance, la peur au ventre :

- Ambre, qu'est-ce qu'il t'arrive ?

- Et à toi ? réplique-t-elle sèchement.

- Rien, je t'ai déjà tout raconté, je réponds pensant qu'elle fait référence à mon coquard.

- Non, mais tu viens foutre quoi là ?

Aïe, ça commence mal. Putain, Ken, on gère ça comment ?

- Je voulais te voir.

- Cool. Tu m'as vue. C'est bon, je peux rentrer chez moi ?

- Ambre, le prend pas comme ça. C'était qu'un jeu.

Un putain de jeu, pas sans conséquence apparemment. Elle fait mine de s'étouffer à ma phrase, je m'effraie mais je fais mine de me marrer. Mais rire à tout ne résout rien. J'ai eu le temps de m'en apercevoir avec elle.

- De quel jeu tu parles ? Les questions débiles ? Ou celui que tu joues avec moi sans vraiment trop savoir pourquoi tu le fais?

Je soupire, relève ma casquette d'une main avant de passer l'autre dans ma tignasse. Elle est tendue, agressive, peut-être parce qu'elle se sent agressée, mais je ne peux pas m'empêcher de la trouver follement bandante dans son état. Mon cerveau me conjure de rester tranquillement à ma place, avant qu'elle ne se retrouve coincée entre ce mur gris et moi, en feu.

Ce même putain de feu qui n'a pas daigné s'amenuiser depuis que je lui ai demandé de m'aider à l'éteindre. Elle n'a fait que de l'attiser. Il a pris une envergure gigantesque quand elle s'est tirée de ma vie. Et même si je l'ai retrouvée depuis quelques jours, le foyer me consumant ne daigne pas vraiment s'éteindre.

- Ambre, putain, tu me rends dingue. Je... Tu...

Ken qui ne sait plus placer un mot devant l'autre ? Bah tiens...

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant