Les commandes s'enchainent en ce samedi. Encore un peu endormie, énervée par Ken, touchée par le message de Flav, je fonctionne au ralenti. Ce que remarque très vite Richard. Et très vite, je me retrouve dans le cagibi derrière la cuisine.
- Ambre, qu'est-ce qu'il te prend ? D'habitude, tu es réactive ! Là, t'es molle, la cadence aux caisses s'en ressent. Allez, on se bouge.
- Chef, je pourrais vous parler à l'occasion.
- Euh, oui, mais pas maintenant !
- Ok, chef, mais j'ai vraiment besoin de...
- Oui, j'ai compris Ambre. Au boulot et vite !!
J'ai pris ma décision sur les 450 mètres qui séparent l'appartement du restaurant. Je ne veux plus travailler ici, et prendre le risque de les voir débarquer tous les soirs et me soûler pour une commande trop lente ou des frites pas fraîches. Pourtant j'ai envie de croire que tant qu'ils seront avec Flav, ils pourront que se tenir mieux. Mais tant que Ken sera avec, je ne serais pas sereine.
Je me mets toute seule un gros coup de pied au cul et je me bouge, comme me le demande Richard. Consciente que j'aurais besoin de son accord pour « muter », je dois aller en son sens et le satisfaire. Je fais de mon mieux durant toute la durée de mon service. Pas une seule plainte, des Big Mac garnis à la perfection, des pieds en feu et une grosse envie de rentrer. Arte m'attend, mon petit papounet certainement aussi. Je ne connais pas le film, mais je suis sûre qu'il sera à mon goût. Je pourrais regarder un navet, tant que je suis dans le canapé, à côté de mon père, ses lunettes sur le nez, ça ne me ferait rien. Peut-être juste un trou dans ma culture cinématographique. Rien de grave en somme.
L'air dehors est frais. Je me rappelle que dans quelques jours, nous serons en novembre. Et que mon gilet ou mes sweats ne me suffiront plus. Je devrais aller à la cave chercher mes vieux manteaux. Et espérer d'y rentrer encore dedans.
Une sale odeur transperce mes narines. Une odeur qui me rappelle Yul. Et ses vieux kebabs infects. A fur et à mesure que je grimpe les escaliers dans l'immeuble, je sens que je m'en rapproche. J'ouvre la porte d'entrée, crie que c'est moi, et une autre odeur se joint à celle, déjà pénible du kebab.
- Ah Ambre, c'est toi. Viens, on bouffe. Je t'en ai laissé un. Celui du pari.
Mon corps se fige. De quel pari parle-t'elle ? Le nôtre ou celui de Ken ? D'ailleurs, il est où lui ? Il est...là.
- Non c'est bon, les grecs, très peu pour moi.
- Je le prends mal, frangine.
- Commence pas à me faire chier, Ken, je suis pas d'humeur.
Il fait mine d'être touché par ma remarque et croque un bout de son sandwich. Et pourquoi il le prendrait mal, que je n'aime pas les grecs ? J'ai été pourtant claire hier soir, ça n'avait pas l'air de le choquer... Ah si, parce que je n'aime pas ces foutus dwich trop gros, trop gras, trop pas bons, il m'a traitée de galère. Si tant soit peu que ça veuille dire quelque chose, en fait.
- Madame a passé une mauvaise journée, demande Mo, emmitouflé dans les bras menus de ma frangine.
- Madame a passé une soirée de merde hier soir, et du coup la journée c'était pareil.
- Mets-toi bien, y a tout ce qu'il faut, me dit Areno en me montrant la bouteille de Jack Daniels et la barrette de shit sur la table.
Je trésaille. Et les parents ? Je regarde ma frangine, lui lançant un regard inquiet. Mais elle, apparemment, ne l'est pas du tout.
- Ils sont où les vieux ?
- Les ranps sont partis chez les Duteuil, à Poissy. On est tranquilles jusqu'à au moins minuit.
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De Rock et de Feu
FanfictionLa rencontre entre deux mondes différents... Ambre ne vit que pour le rock, sa basse, son groupe et sa tignasse. Tout ça l'aide à oublier un passé récent douloureux et tragique. Pour remonter la pente, elle partage sa vie entre les répét', son job c...