De Rock et de Feu

123.

Point de vue Ambre

-    Celui-là t'ira trop bien...

-    Pff, tu crois ?

Dans ma cabine, entourée de mes trois acolytes féminines, engoncée dans un deux-pièces noir un peu trop sexy à mon goût, je ne suis pas hyper convaincue par le reflet renvoyé par le miroir.

-    Franchement, c'est bien mieux que ton vieux chiffon démodé.

-    Speedo, Ambre, sérieux, qui porte encore un maillot Speedo en 2011 ?

-    Laure Manaudou, je réponds au premier degré.

-    Tu fais pas de la natation olympique, à ce que je sache, non ?

-    Non...

Je fais semblant de bouder et les trois filles me câlinent en en rajoutant des caisses. C'est qu'elles sont chou à vouloir absolument me voir avec le smile dans un nouveau maillot.

-    Bon, les garçons s'impatientent, ils nous attendent, tu te décides ?

Chloé pianote sur son téléphone, sûrement en conversation avec Deen. Ce ne sont pas les mecs qui s'impatientent, c'est juste le sien. Ce mec a faim H24, je sais pas comment s'en sort son estomac.

C'est l'hôpital qui se fout de la charité ou quoi ?

Je te donne ta soirée, profite-en pour te reposer et faire ce que t'aimes. Et reviens moi un peu moins insolente !

-    Je le prends, je dis pour dire quelque chose.

Ce maillot finira au fond de mon armoire et le jour où ma sœur aura pris un peu de poids, je lui filerais. Je ne me vois pas me trimballer là-dedans. Pour faire quoi ? Ne voir que mon ventre et mes fesses en dépasser outrageusement ?

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On court rejoindre les garçons, qui nous attendent Place des Corps Saints où ils ont réservé la terrasse d'une petite pizzeria dans son intégralité pour pouvoir tous nous accueillir. Une vieille église romane occupe le centre de la place et l'ambiance qui émane de cet endroit est juste trop chaleureuse. Je m'y plonge avec bonheur, décuplé quand je me retrouve dans les bras de Ken.

-    Tiens, je t'ai acheté ton chargeur. T'as pensé à faire du shopping, il raille en regardant mon sac Monoprix, mais pas pour t'acheter un chargeur, je suppose.

-    Roh, ça va. Tu verras, quand je t'aurais montré ce qu'il se cache dans ce sac, tu vas l'oublier ce putain de chargeur !

-    Je ne demande qu'à voir...

-    En rentrant si t'es sage, je peux te faire un petit défilé...

Son clin d'œil espiègle me prouve qu'il m'attend au tournant, avec mon histoire de défilé. J'ai intérêt à assurer. En même temps, quand il me verra dans cet infime bout de tissu, il pourra que succomber. Et me remercier d'avoir préféré me racheter un nouveau maillot de bain plutôt qu'un vulgaire chargeur.

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La place s'est transformée en une sorte de bal géant. La terrasse du bar à vin juste à côté de notre pizzeria accueille un groupe qui reprend de vieux tubes, de Chuck Berry à Goldmann, en passant par Téléphone et Polnareff. Ils ratissent large et touchent tout le public, composé de familles avec enfants, des couples âgés ou non et nous. Je suis aux anges, même quand ils ont chanté Place des Grands Hommes de Bruel, une des chansons préférées de ma mère.  J'ai regardé mon clan, mon crew, ma seconde famille que je me suis forgée depuis presqu'un an, et même s'ils avaient l'air super gavé quand le gars a scandé le fameux « on s'était donné rendez-vous dans dix ans », j'ai pas pu m'empêcher de les regarder avec énormément d'admiration. Pour certains, ça fait déjà dix ans qu'ils se côtoient, se soutiennent, s'entraident, et quelque chose me dit, quand je les regarde là, que d'ici dix ans, on les retrouvera, tous les mêmes, toujours aussi soudés et présents les uns pour les autres. Et je trouve l'idée tellement belle.