25.

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En cuisine, mes gestes sont léthargiques. Mes mouvements sont calculés au millimètre près afin d'éviter de me fatiguer davantage. Je me sens vidée. Mais encore pleine d'alcool, de ces croissants goinfrés à la va-vite et de plein de moments vécus cette soirée avec Ken.

La montre à côté de la chambre froide indique qu'elle atteint péniblement les midis. Et que mon calvaire va encore durer 3 heures. Je ne sais pas si humainement je serais capable de tenir encore. A ce rythme, les Big Mac seront servis sans tomates, voire même sans pain, tellement je l'aurais laissé cramer sur le grill.

Ken et moi avons déambulé, laborieusement dans les rues jusqu'à atteindre le Mac Do des Halles où Elena la manager m'attendait de pied ferme. Je me suis présentée devant ma console l'haleine empestant le whisky, le visage saupoudré du sucre glace que m'a envoyé Ken en soufflant dessus comme un gosse trop fier de sa connerie, et la main râpée due à ma deuxième chute de la soirée en voulant croire que j'étais capable de sauter par-dessus cette putain de bouche à incendie. Grave erreur. Le rire fracassant de Ken a fait sursauter la moitié des habitants encore au lit dans la rue. A y réfléchir, le bruit sourd de mon derrière frappant le sol aussi.

En m'amenant devant le restaurant, il a simplement déposé sur mon front un rapide baiser avant de faire marche arrière, de sa démarche moins assurée que la mienne. Je l'ai vu partir, je n'ai rien dit. Mais au bout de quelques pas, il s'est retourné, toujours les lunettes que je lui ai offertes sur le nez, les a baissées pour planter de loin ses yeux éteints par la fatigue et l'alcool (et le reste, mais chuut) dans les miens et m'a demandé d'une voix sèche et dépitée :

- Pourquoi les Halles, Ambre ?

- Parce que...

Je n'ai pas vraiment su sur le coup si je devais lui dire la vérité ou non. Que si j'ai changé de restau, c'était pour le fuir. Mais avec quelqu'un comme Ken, j'ai l'impression que s'il vous aime bien, vous pouvez aller n'importe où, il vous trouvera toujours.

- J'avais plus envie de servir une bande de relous...

- La bande toute entière, ou juste le petit con et sa sauce Curry ?

La gorge sèche, je ne savais toujours pas si je devais lui dire « oui », surtout que le son de sa voix trahissait une sorte de colère ; après la nuit sublime qu'on avait passée (en tout bien tout honneur, je vous vois venir !), je n'avais pas envie de régler des comptes qui pour moi sont plus d'actualité. Parce que oui, je regrette ma décision de venir pourrir dans ce Mac Do loin de mon quartier et les bandes y trainant...

- Je dois y aller, Ken...

- Ça va, j'ai compris. A plus Ambre.

C'était comme ça que devait finir notre soirée ? Sur une note tendue et hypocrite par ma faute ? J'ai tout gâché. Mais en même temps, je me dis qu'à part chercher la petite bête, il n'a pas fait grand-chose en me posant cette question purement inutile. Même si j'avais changé de restau par sa faute, je le côtoie toujours, et tous les jours d'un peu plus près. Hier soir, un rapprochement net s'est produit, et quelques heures plus tard, à galérer avec mon satané coupe-tomate foireux, je suis en train de me dire que la suite aussi va être galère.

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Quinze heures sonnent. Le froid dehors me fait un bien fou, et me donne comme un coup de fouet, à deux doigts de m'endormir debout. Les muscles ankylosés par l'alcool stagnant dans mon organisme, et cette foutue fatigue qui seule sera réparée par un bon gros sommeil, je marche tel un automate vers la première bouche de métro sur mon chemin.

Mais une main s'accrochant à mon bras m'arrête net. Je ne sais pas si je vais trouver la force de me défendre si un mec a décidé de me faire chier en ce 25 Décembre. Vu comme les Parisiens ont déserté le quartier, je ne vais pouvoir que compter sur moi-même, et je ne suis pas sûre d'y arriver.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant