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En descendant les escaliers, je me dis que ça fait longtemps que je ne m'étais pas trimballée dans Paname en skate. Je décide alors d'aller le chercher à la cave. Il est toujours à la même place. Poussiéreux, défoncé sur le côté, mais il glisse encore parfaitement sur le bitume, c'est l'essentiel.

Je fourre la capuche du sweat sur ma tignasse, enfourne mes écouteurs sur mes tympans et laisse dérouler ma musique le temps de « surfer » entre les dédales de rues, ruelles, avenues et trottoirs parisiens.

Ma planche m'amène jusqu'au grand skate-park de Bercy, dont me parlait Greg. Je me pose sur un banc et observe les riders doués et déglingués se lancer à corps perdus dans des pirouettes et des figures de dégénérés. Mais j'adore. Moi aussi, fût un temps, je savais faire du skate comme ces petits mecs savent faire. C'est Greg qui m'avait appris. S'était arraché les cheveux quand je ne voulais pas reproduire à la perfection son 180 front. Et s'était bien foutu de moi quand je m'étais ramassée comme une vieille merde molle sur bitume et que je m'étais brûlée les tibias et les cuisses. Quel bouffon.

La musique de Pulp Fiction vient me chatouiller les oreilles dans mon baladeur. Vous savez, cette putain de musique qui te met une patate d'enfer si tu l'écoutes le matin, en t'imaginant entourée de Samuel L. Jackson et Travolta avec son horrible coupe, en train de zigzaguer dans Los Angeles, à la recherche d'un Quarter Pounder with Cheese. Un Cheeseburger, quoi.

Je prends mon téléphone alors pour inviter par sms Ken à la folle soirée que me promet mon père. Avec ou sans scalp de ses couilles ??

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- Salut toi, qu'est-ce que tu viens faire ici ?

- Salut Greg, ravie moi aussi de te voir.

Il se baisse pour me prendre dans ses bras. Il détaille de ses beaux yeux bleus ma tenue, mon vieux skate, ma tronche et s'arrête à la hauteur de mes yeux.

- Ça fait bizarre de te voir ici. Avec un skate en plus.

- C'était trop prise de tête chez oim.

- Oim ?

- Pardon, chez moi. Disons que mes fréquentations du moment ont une mauvaise influence sur mon phrasé.

- Je vois, rigole Greg. Et c'était tendu chez toi à cause de tes fréquentations ?

Il est devenu devin, le mec ? Ou juste un peu trop curieux ?

- Entre autres. Mais on s'en fout. On ride un peu ? Comme au bon vieux temps ?

- Tu sais encore ?

- Non, mais on s'en fout. J'ai envie de savoir quels sont mes restes.

- On va le savoir tout de suite. Tu vois la rampe là-bas ? Tu me claques un petit 5-0 Grind, tu seras gentille.

- Aucun problème, mec.

Je ne vais pas faire de pub pour Red Bull, mais sans en avoir bu, je crois que des ailes m'ont un peu trop poussées sur le dos. Parce que franchement, ce n'est pas comme le vélo, ça se perd grave. C'est quoi son truc au nom chelou, là ? 5-0 Grind ? Oh putain, je suis à la masse. Il va s'en rendre compte.

J'arrive à hauteur de cette fameuse rampe, mais comme je n'ai aucune idée de ce qu'est de nouveau sa figure à la noix, je laisse improviser mes pieds et ma planche. Et le rendu, ma foi, est plutôt bon, à en croire les applaudissements de ce mec, accoudé sur le haut de la rampe. En passant devant lui, mes yeux le dévisagent et s'arrêtent sur un putain de beau gosse.

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- Putain, Ambre, t'as de beaux restes.

Finalement, pas besoin de mettre des noms incongrus sur des figures, autant laisser place à l'improvisation. Je me rassieds sur mon banc, un peu crevée par ma folle session de skate d'au moins une bonne demi-heure. Greg est à peine aux échauffements. Le bâtard.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant