15.

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  - Ça fait une semaine qu'on s'est rencontré, comment aurais-je déjà pu te prouver ça ?

- Tu supportes nos gueules ! Et le comportement de certains...

- Pas vraiment le choix, sinon je crois que ma sœur me dépècerait...

- T'es venue voir un de nos concerts, alors qu'apparemment le rap n'est pas du tout ton truc ; tu ne connais même pas IAM.

- Tu reviens avec cette histoire d'IAM, je souffle dans un rire.

- Et je t'ai vue l'autre soir. Tu as donné un hamburger au SDF devant le Do. Tout le monde ne l'aurait pas fait.

- Ouais, mais c'est l'autre con de Ken qui m'a poussée à...

- Il ne t'y a pas obligée. J'ai trouvé ça cool de ta part.

- Si tu le dis....

L'entendre me vanter mes propres mérites me met franchement mal à l'aise. Mais ce ne sera rien comparé au moment où je vais me décider à lui parler du... passé.

Je laisse passer un long silence, comme si je me préparais avant une compèt', du moins c'est comme ça je pense que les grands sportifs procèdent. J'inspire fort, tente de me dire une dernière fois que je fais une connerie, monumentale, et je me lance :

- A la fac, quand j'avais dix-neuf ans, j'ai rencontré un mec, Hugo. On ne se quittait plus. On était toujours fourrés ensemble, on avait choisi les mêmes options pour être sûrs de ne jamais se quitter. Et arriva ce qu'il devait arriver. Chacun dans son coin avait développé des sentiments amoureux envers l'autre. Un soir, bourrés comme des coings, on s'est avoué mutuellement notre attirance. Et on s'est demandé ce qu'on avait bien pu foutre avant de se le dire, tellement cela nous paraissait évident.

- Jusque-là, rien d'anormal. C'est plutôt cool, tente Antoine.

- Oui, et crois-moi, j'aurais préféré que ça s'arrête là. Bref. Un jour, à une soirée, on fait la connaissance d'une petite bande de potes, légèrement plus vieux que nous, qui de prime abord nous paraissait plutôt sympa, dans le même délire que nous : métro-fac-grosse chouille. Rien de plus.

- Je te vois venir, ajoute-il doucement.

- Un soir, on est allés en boite de nuit. Autant te dire que je n'y voyais pas d'intérêt, puisqu'on pouvait s'amuser autant à la maison, pour dix fois moins cher et avec du meilleur son dans les enceintes. Mais bon, c'était tellement hype de sortir en boite.

- Je t'y imagine pas du tout, en vrai. Tu rentrais, dans tes fringues là ?

- Antoine, je fustige. Tu ne m'aides pas, là ! Laisse-moi parler, s'il te plait.

- Pardon, continue, bredouille-t-il.

- Donc, je disais... Ce soir en boite, à notre table, un mec s'est pointé. Je le sentais pas, mais j'étais la seule. Il a posé sur la table un petit sachet contenant de la poudre. Et tout le monde s'est servi. Devant l'insistance des copains, Hugo en a aussi pris. Moi pas. Je les ai envoyés chier et regardé sans rien pouvoir faire mon mec sniffer son premier rail de coke.

Je suis lancée, de quelques bribes que je comptais réserver à Antoine, je suis en train de lui déballer l'intégralité de l'histoire, dans les détails aussi. Autant vider son sac, autant le faire entièrement. Sans rien laisser au fond. Si je pouvais, j'y remettrais tous les marasmes de cette partie pourrie de ma courte vie. Et le lesterais au fond de la Seine.

- Et ce putain de premier rail de coke n'a pas a été son dernier, malheureusement, mais le premier d'une longue liste, les prémices d'une longue et tortueuse descente aux enfers.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant