85.

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Point de vue Ken

- Oh, mec, ça va ?

- Nickel, frère.

Eff Gee me sort de mes pensées, occupées par Ambre. Salement. Je suis avec tous mes gars, dans notre canapé, et notre douce copine, Marie-Jeanne. Jack et Daniels sont jamais très loin non plus.

Mon pote passe sa main devant mes yeux, perdus entre la barrette de shit sur la table basse et un stylo qui traine toujours dessus.

- Sûr, il insiste.

- Ouais, t'inquiète. Juste un peu foncedé.

J'enquille les pilons ce soir, alors que c'est une réunion travail. Avec l'Entourage, et l'entourage de l'entourage. Pour parler d'un projet avec le crew québécois, Casse Croute, rencontré par Eff Gee lors de ses dernières vacances. Ils se sont dit qu'un projet commun pouvait être cool. Genre aller là-bas, enregistrer dans le stud' d'un des gars et tourner dans la foulée le clip à Montréal.

La réunion travail n'a pris qu'une heure, le temps d'échanger via Skype avec les mecs là-bas, sur l'ordinateur d'Eliott. On a convenu qu'on se pointerait avec Deen, Eff, Jazzy et Alpha fin août. On aborde quelques idées de textes mais je les écoute plus échanger que je ne participe à la discussion. Je pense à elle. Trop.

Depuis que j'habite ici avec les gars, on se voit moins elle et moi. On baise moins. Et bordel, ça me démange grave. Tous les matins, je me lève avec le barreau parce qu'elle occupe mes pensées H24. De jour, quand je charbonne sur mes textes ou sur des putains de Royal Cheese ; de nuit quand je marche le long des quais, dans mes rêves. Et parfois quand j'assouvi une envie trop forte, tout seul. Et c'est galère, parce que Sneaz n'est jamais très loin et débarque sans prévenir dans notre piaule qu'on partage. Je ne peux quand même pas mettre un panneau sur la chambre, genre « branlette en cours ».

Elle m'a assurée ne pas m'en vouloir pour la coloc. Qu'elle comprenait très bien mon choix de décaler de cette piaule pérrave pour me retrouver avec les gars dans un appart plus convenable. Le soir, quand j'ai quitté pour de bon mes 10 mètres carrés qui ne me manqueraient pas, elle était avec moi. J'ai bien vu que ça la faisait chier de devoir retourner chez ses parents, mais elle n'a pas trop eu le choix. J'avais peur ma race qu'ils la foutent dehors, qu'elle soit obligée de squatter ici le temps de trouver, et que ça chauffe avec mes gars. Mais la laisser dehors, pieuter je sais pas où, il n'en était pas question, et pour les gars, non plus.

Du coup, ses parents l'ont repris, sans trop faire d'histoire apparemment. Tant mieux. Elle a fait grave un effort sur elle-même en retournant là-bas. Et j'imagine que ses vieux en ont fait autant pour accepter. Je crois que les miens, après ce que je leur ai fait, n'accepteraient pas que j'y remette un pied. Mais en vrai, moi non plus.

Bon, y a quelques conditions à respecter. La seule me concernant est que je ne me retrouve pas dans leur appart en même temps qu'eux. Je comprends pas trop pourquoi le daron m'en veut à ce point, j'ai rien fait de mal, je m'occupe d'ailleurs de sa fille comme il me l'a demandé. Bon, ok, la doigter devant sa porte d'entrée n'était pas l'idée du siècle, mais c'est pas un crime. Si ?

Autant dire que dès qu'on a un créneau de libre tous les deux, rendus rares avec mes occupations et ses journées au studio, je file là-bas en vitesse. Toujours avec la peur au ventre de croiser son daron dans les escaliers ou la daronne qui rentre plus tôt que prévu du taf.

A la coloc, on fait souvent des soirées. Mais c'est pas pratique non plus pour me retrouver seul avec elle. Je suis parfois bien tenté d'organiser une contre-soirée en tête à tête dans la cuisine, la salle de bain ou même le balcon, mais y a toujours quelqu'un pour venir nous faire chier et casser notre délire. Alors je me contente de rester avec elle, dans ses bras, à la bouffer du regard, avec une lueur inavouée d'espoir de pouvoir lui faire l'amour quand même, au court de la soirée. C'est compliqué de résister, mais je prends sur moi.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant