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Il est près de quatre heures du matin, et les derniers survivants squattent dans le vieux canapé du centre, sur les chaises qui dézinguent le dos ou carrément sur les tables. Moi j'avoue avoir une place de choix. En plein milieu du canapé. Les avantages d'être la copine de la star de la soirée.

Ma star à moi est d'ailleurs engoncée dans le canapé, un bras coincé derrière ma nuque, et l'autre enroulé autour de mon ventre. Qui pousse des gémissements plaintifs depuis avant. J'ai grave la dalle.

Y en a un autre qui a les crocs et qui le fait savoir. A sa manière.

-    Qui serait assez mignon pour aller me chercher un wok de bœuf à la citronnelle et nouilles sautées aux légumes chez le Viet' derrière Denfert, demande Deen.

-    Ta gueule, l'estomac sur patte, je réplique, affamée à outrance avec son idée de plat monumental. Et puis à 4 heures du mat', t'espère quoi ?

-    T'as pas ça chez ta pote ? Tu pourrais nous cuisiner ça,non ? Je suis sûre qu'elle crèche à deux pas, en plus...

Non, Deen, pitié, ne m'amène pas sur ce chemin. Je suis trop crevée et affamée pour réussir à mentir sans me faire cramer. Les doigts de Ken, tourneboulant sur ma bedaine grognante se crispe en s'agrippant à ma hanche. J'ose le regarder et je perçois en un millième de seconde qu'il est autant gêné que moi. Vite, vite, un mensonge. Encore un. Plus tous les autres.

-    Euh, elle est végétarienne, y a pas de bœuf dans son frigo.

-    Tu fais pas les courses, me demande-t-il étonné par ma réponse.

-    Ah euh si, enfin non, le livreur de pizza est devenu mon meilleur ami.

Sauvée ?

-    Mais tu vas faire comment quand elle va rentrer, s'inquiète Flav, intervenu dans la discussion et qui regarde avec des yeux trop mignons sa Charlotte somnolant à côté de lui.

-    Elle n'est pas prête de rentrer, son taf la garde là-bas encore quelques semaines. Je suis tranquille...

Je m'enfonce. Ken vient à ma rescousse.

-    Du coup, personne ne sait qui livrerait des dalleux comme nous à 4 heures du mat ' ?

Un « non » collégial nous ramène au point de départ. On a faim. Les salés et chips en tout genre ont tous été mangés au cours de la soirée. Le gâteau d'anniversaire n'est plus que miettes dans son grand plat. Et l'alcool, s'il fallait songer à se nourrir liquide, se fait rare dans le coin.

A qui la faute ?

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Je jette un coup d'œil à ma montre avant de sombrer dans le lit de Ken. Il est presque 8 heures. Mes yeux collent, les paupières pèsent quelques tonnes, mes collants sont filés, j'ai une pâteuse de tous les diables et je suis crevée. Et surtout j'ai plus de dos.

-    J'ai pas de cadeaux ?

-    T'avoir aidé à ramper jusqu'ici me semble être le cadeau parfait jusqu'à tes 50 ans.

En fait, je suis déjà trop bien installée dans son lit pour en sortir et lui offrir ses cadeaux, les vrais. L'autre, celui d'avoir réussi cet exploit de le ramener ici sans trop de problèmes a déjà été déballé.

A 5 heures, on s'est tous décidés de rejoindre nos piaules respectives, trop défoncés pour encore tenir un semblant de discussion. Les chaises étaient inconfortables. Et on avait vraiment trop la dalle. Charlotte ayant quitté la soirée quelques minutes plus tôt, Flav m'a proposé de me ramener jusqu'à chez ma copine du Brésil. Mon cœur a fait un bond de 10 mètres dans sa cage thoracique. J'ai commencé à vouloir bégayer trois syllabes, genre « euh », « hum » et « non » et Ken a coupé court Flav dans son envie de me ramener, en se proposant lui. Ouf. Ou logique.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant