11.

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Les larmes brûlent mes joues. Ne cessent de couler sur mes joues rebondies. Et viennent s'écraser, de manière lancinante, dans mon cou. Où elles se meurent.

La voix féminine, importante aux yeux de Maël, prend forme, la mienne. Je me vois sur scène, seule. Pendant que je crie ma partie, je ne vois qu'un spectateur. Tous les autres sièges sont vides. La personne, assise sur son siège, a le regard creux, le teint livide, la peau fripée et abimée par une vie trop courte, trop intense, trop violente.

La manche de son blouson de cuir, râpé, est remonté sur son bras. Dans le creux du coude, à côté de points violacés, rougis ou noirs, une seringue est plantée. L'aiguille y est enfoncée dans sa chair rigide.

Je continue de chanter, de toutes mes forces, et je n'arrive pas à quitter la personne des yeux. Pas tant que la dernière bribe de voix claire ne sonnera la fin de la chanson. Contrairement à son corps inerte, le mien tremble. Grelotte. Frissonne. Du froid que lui envoie ce corps sans vie. De mes sanglots aussi.

Et du vibreur de mon téléphone qui m'exhorte de mes pensées macabres et insupportables.

- Allo, Ambre ?

- Oui, qui est à l'appareil, entendant une voix masculine presque inconnue.

- Antoine. T'es la sœur de Béné ?

- Euh, oui...

Les sanglots ayant cessé, la peur prend le relais et continuer de faire trembler tout mon corps. Il lui est arrivé quelque chose, et jamais, Ô grand jamais, je ne me le pardonnerais. J'aurais dû la retenir. J'aurais dû...

- Tu pourrais venir la chercher s'il te plait ? On est au Montsouris, derrière la station de la Cité U.

- Qu'est-ce que vous lui avez fait ?

- Nous ? Rien, c'est elle qui... Bref, viens s'il te plait, rajoute-t-il impatient.

Je sèche mes larmes d'un rapide revers des mains, enfile mon sweat, mes Puma et ne prends pas la peine de prévenir mes parents. A vingt-trois ans, même vivant sous leur toit, j'estime ne plus être obligée de leur dire où je vais, et je ne veux pas les inquiéter. Peut-être que je me fais des films, que c'est une sale blague de ses potes. Je préférerais que ce soit effectivement une vanne de leur part, même pas drôle, mais bon, à choisir...

Je cours jusqu'à la station de RER Denfer-Rochereau, prends le premier B qui arrive et descends à la station de la cité U. Les rues à peine éclairées par les réverbères me foutent les jetons, mais prenant mon courage à deux mains, je marche, sur mes gardes vers une bande de jeunes, bruyants, à casquette et bonnet, d'où dépasse une tête que je reconnais tout de suite.

- J'espère que c'est pas une blague, maugrée-je quand j'atteins leur groupe et vois ma sœur dans les bras de Mo, les yeux clos et du vomi à ses pieds.

- On aurait préféré, Miss, m'informe le mec au bonnet.

- Vous pouviez pas vous en occuper, je demande agacée. C'est à cause de vous si elle est dans cet état non ?

Mon ton, agressif et irrité n'a pas l'air de leur plaire, mais tant pis, ils m'appellent à minuit, me sortent de ma torpeur, celle que j'avais décidé de m'infliger, pour venir voir ma frangine vomir dans les bras d'un mec. Et après ? J'ai aussi vomi, personne n'est venu me chercher. Dans ces cas-là, tu n'as envie de personne, juste qu'on te foute la paix et laisse vomir tranquille.

- Oh, calmos, la reuss, on a rien demandé. On a pas envie de jouer au baby-sitter toute la nuit. On n'en peut rien si elle supporte aps l'alcool.

- Facile de dire ça maintenant que le mal est fait, je réponds sur le ton de la défensive.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant