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Certainement pas suffisamment pour qu'il daigne répondre au seul coup de fil que je lui passerais ce soir. Sa sœur est repartie, la caisse de linge sous le bras, me laissant seule dans l'appart, me sentant bien con. Et grave vénère après Ken qui ne me donne pas de nouvelles. Mon ventre grogne et j'étouffe ici. J'enfile mon jeans noir, garde le pull au Colonel Moutarde, que je rentre à peine dans mon jeans, mets mes Pumas et je sors dehors. Respirer. Manger. Oublier.

Un petit italien propose des pâtes à emporter, à défaut de pouvoir manger un vrai plat maison avec Flav – si j'avais su j'aurais accepté son invit'. Je finis sur un banc en face de la tour Montparnasse, à grailler des pâtes trop cuites, arrosées de soda. Triste vie, quand même.

Quand ma « box » est vide, je fume une cigarette ce qui a le don d'attirer des gens vers moi pour m'en taxer. A la première personne venue me voir, une meuf en tailleur archi strict, à l'air blasé, j'ai bien cru qu'elle venait me demander si je songeais à me foutre en l'air. Non, madame voulait juste une cigarette, avant de trucider son mari ; je ne fais que reprendre ses propos virulents. Vu la hargne dans sa voix, j'ai eu une pensée émue pour son mari, dont les heures étaient comptées, je n'ai pas tortillé dix ans avant de lui en tendre une.

Un petit mec, genre 15 ans, en sweat de l'Entourage, m'a supplié de lui lâcher une clope. Je l'ai envoyé bouler, sans oublier de le complimenter sur ses goûts musicaux. Avec son regard de merlan frit, il m'a regardée me lever et partir sans céder à son petit caprice.

Je ne sais pas si mon GPS interne a eu un bug momentané, reste que je suis devant l'entrée du BBC. Mon tout premier bar après ma renaissance. Que j'ai laissé salement tombé. Dans lequel je rentre.

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Tout de suite, l'ambiance chaude et rock que je venais apprécier tous les weekends avec mes trois Judas de service, vient me rappeler pourquoi j'étais aussi bien ici. A tel point que ça en était devenue ma seconde demeure.

La musique de fond (Nirvana), les affiches, les bancs en bois dépeint, les dizaines de bière, la photo, rien n'a changé. Cette photo de moi en train de me siffler une girafe de Vodka Pomme, à la paille. Derrière moi, je reconnais cet enflure de Maël. Qui ne voulait pas me croire capable de tout boire, à la paille. Il avait déjà cette sale manie de ne pas croire en moi, j'aurais dû me méfier de lui.

Je m'installe au comptoir, comme une vieille habituée, soularde. Toutes les bières me font de l'œil, mais je me rabats, intelligemment sur une limonade. La serveuse est nouvelle. Ou alors c'est moi qui ne suit pas venue depuis belle lurette, en fait. Aucun des deux gérants ne semblent être là. Je me contente d'observer la serveuse à l'ouvrage.

Je sirote tranquille ma limonade, mais très vite je trouve ça chiant à boire.

- Une limonade, toi ? J'y crois pas ?

Je ne me retourne pas, reconnaissant d'entre mille cette voix.

- Justement, j'étais en train de me dire que j'allais me rabattre sur autre chose.

Le mec derrière moi pouffe. Je ne peux réprimer le même rire. Je saute de mon tabouret pour me retrouver face à James. Je lui en veux encore de pas avoir pris ma défense, de m'avoir lourdé de notre groupe comme une merde, mais il m'a manqué ce con. On se regarde en chien de faïence cinq secondes, avant de tomber dans les bras, littéralement.

Je le serre fort, et je me revois le traiter d'enculé. J'aimerais m'excuser mais j'estime que ce n'est pas à moi de le faire. Il se recule au bout d'une longue minute et me propose de m'offrir quelque chose de plus fort.

- C'est pas de refus.

- Tu vas bien ?

- Je pourrais rêver mieux. J'ai regardé mon Bob cramer avant-hier, je me suis tirée de chez moi et je cuve en vieille solitaire ma peine.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant