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La douloureuse, au moment de passer à la caisse n'est vraiment pas une partie de plaisir. Vous voyez le genre de ticket de caisse qui n'en finit pas. Celui dont l'addition ne cesse de s'accroitre au fur et à mesure des lignes.

Sous « demande de mutation en cours », il y a la ligne « ne plus voir Flav' », et encore en dessous, en tout petit « s'en mordre les doigts ».

Comme le lait, je suis entière. Je n'ai pas dit que ce que je fais, couper les ponts avec tout ce qui me lie de loin ou de près à Ken, soit mon meilleur projet. Ça fait six jours que j'ai pris la décision de respecter la sienne, c'est-à-dire arrêter tant qu'il est encore temps, mais je prends sur moi, mon cerveau est en miette, mes yeux irrités à force de pleurer et mon clavier a rendu l'âme. Ma sœur m'évite, mes parents me cajolent comme si j'avais cinq ans. Et... Ken me manque !

Bordel !!!

Au fond de moi, quelque part de bien caché, où seuls des spéléologues chevronnés y auraient accès, je sais qu'il n'est pas fait pour moi, que je ne suis pas faite pour lui, ni pour personne d'autre finalement, surtout pas à l'amour. Mais j'ai envie de me battre contre ses préjugés à la con. Genre « j'aime trop les filles pour en aimer qu'une », « je fume des pétards et tu hais la drogue », « j'aime le rap, tu aimes le rock », « t'as souffert, alors je veux pas te refaire subir ça ». J'ai envie de me battre contre moi-même, arrêter de faire l'enfant et surtout arrêter de me foutre dans mon coin sans chercher à comprendre, mais aller au-delà de ce qu'on m'a demandé de faire.

Ça fait six jours que je mène mon semblant de vie entre ce qu'il me reste : Bob et le MacDo. Autant Tonton Ronalds ne m'est d'aucune aide, mais Bob, juste par sa présence bougonne, sa vieille barbe jaunie et ses grands discours sur la musique en général, m'est d'une aide précieuse. Il m'accueille tous les jours où je travaille pour lui avec une tasse de chocolat chaud et des chouquettes.

Un gros cul, moi ? Mais non, fables et balivernes !

Tous les jours, il m'attend devant la porte vitrée de la boutique, un nouveau cd dans ses grosses pognes. En espérant que j'adhère à sa nouvelle découverte musicale. On en parle alors, comme de vrais critiques, et ça fait passer le temps entre la clientèle peu nombreuse et mes souvenirs éclairs et agréables avec Ken qui reviennent me narguer.

Un matin, un peu déprimée par mon choix net de nouvelle vie loin de ma petite bande adorée, je me suis laissée aller à quelques confidences avec Bob. J'en avais marre de le tenir à l'écart de mon « secret » sur mon « ancienne vie ». Il avait le droit de savoir. Je lui ai tout dit.

Il m'a écoutée, en silence, et un mélange de tristesse et de haine a traversé ses yeux vitreux. Toujours en silence, lestée d'un poids supplémentaire, je suis retournée au travail sous l'œil bienveillant de mon Bob.

Concernant mon groupe, seul James s'est fendu d'un petit sms de rien du tout pour la nouvelle année. Que j'ai supprimé direct. Il disait qu'il me souhaitait une bonne année et qu'il est persuadé que je vais rebondir et m'épanouir autrement. Et surtout qu'il était désolé. Tu parles. Je le revois encore me prendre dans ses bras, comme un frère le ferait, et deux heures plus tard, instaurer cette frontière glaciale et insurmontable entre nous, me laissant me faire bouffer par l'autre Judas de Maël.

Pour ce qui est de cette putain de nouvelle année 2011, que j'ai passé au fond de mon lit après une nocturne déprimante dans un Mac Do désert, je pense que même si elle commence mal, elle ne pourra être pire que les précédentes. L'âme d'une rebelle, j'ai bravé les interdits et me suis jetée dans la gueule du loup en envoyant un message à Ken :

Même si... j'ai quand même envie de te souhaiter une bonne année 2011. Je sais que t'as plein de rêves, que tu te battras pour, alors fonce. Prends soin de toi. Ambre.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant