17.

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En parlant d'imbécile, je crois voir la tête de ma frangine, émerger. Les cheveux en bataille, vêtue seulement d'un tee-shirt et d'une culotte, elle baille à s'en décrocher la mâchoire, une tasse de café à la main.

Antoine est parti sur les coups de quatre heures du mat, après avoir longuement parlé de lui, de l'Entourage (un autre collectif de rap, qui compte parmi ses rangs le mec aux multiples pseudos), de son groupe, sa passion, sa vie, ses « frères », leurs galères, leur kiff... Je me suis reposée contre son torse, et me laissais bercer par ses récits, animés ou plus calmes. Il me devait bien ça, s'ouvrir à moi, alors que je lui avais laissé l'exclusivité de mes blessures récentes, quelques heures avant.

Je me suis endormie alors qu'il me parlait de la première fois qu'il avait rencontré Ken. Autant vous dire que ça a dû me passionner au point que j'ai préféré m'endormir.

Mo a taillé pas beaucoup plus longtemps après Antoine. Sur des pattes de velours, en chuchotant des mots imprononçables ce matin (au risque d'être censurée) à l'attention de ma frangine, avant qu'elle ne referme la porte d'entrée. Elle est rentrée dans ma piaule, m'a demandé si je dormais, j'ai préféré simuler un sommeil profond pour qu'elle me laisse tranquille.

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- Coucou Frangine. Ça va, pas trop mal aux veuchs ce matin ?

- Béné, je t'ai déjà demandé de me parler normalement. Je comprends rien à ton charabia.

- Tes cheveux, si tu préfères, soupire-t-elle, excédée.

- Moins que toi sûrement. J'ai rien bu, ni rien fumé. Toi par contre...

- Mouais, c'est bon. Qu'est-ce qu'il t'a pris hier soir ?

- Je te retourne la question, je réplique sur mes gardes.

- A me faire passer pour une pute devant mes potes ?

- Et toi, me faire passer pour une psycho-rigide ?

- Tu t'es vénères toute seule, c'est pas ma faute.

- Non on m'a aidée.

- Qui ça ? Antoine ? Ça m'étonnerait...

- A ton avis ?

Elle lève les yeux, signe qu'elle réfléchit. Ses mouvements de têtes trahissent le fait qu'elle passe en revue tous les mecs présents à la soirée hier soir.

- Je ne vois pas qui pourrait te mettre dans un état pareil.

- Laisse tomber, je réponds sur un ton las. Il se passe quoi entre Mo et toi ?

- De quoi tu parles ?

Ma sœur, l'autruche. Elle croit que je suis née de la dernière pluie ou quoi ? Ils s'exilent dans sa chambre toute la nuit et quand il part, il lui chuchote des trucs pas très catholiques. Enfin, ça ne me regarde pas. Mais s'il est aussi con que son pote Ken, ma sœur n'est pas sortie de l'auberge. Ils ne sont pas « kho » pour rien. Ouais, Flav m'a donné la définition. Et rien à avoir avec la bière Kronenbourg, en effet.

- Tu sais très bien... dans la piaule...

Elle rougit, évite mon regard en enfonçant le sien vers la fenêtre du salon.

- C'est pas tes oignons ! Et toi avec Flav ?

- Il ne se passe rien, on est potes c'est tout.

- Potes ? Laisse-moi rire, il ne t'a pas lâchée de la soirée...

- C'est pas tes oignons ! Bon, je dois tailler, je commence à 10 heures.

Je répète bêtement ce qu'elle m'a dit, et ma réplique semble être le point final de la discussion. Les sœurs Guérin, de vraies butées.

De Rock et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant