Le sang se déversait sur le sol neigeux, offrant là un spectacle saisissant. Le contraste entre le liquide sombre et chaud sur ce sol froid et inhospitalier annihilait la moindre de mes pensées. J'étais vaguement consciente qu'il s'agissait de mon sang, mais je me sentais incapable de réagir. Je trouvais le spectacle à la fois beau et effrayant, et je parvenais même à y déceler une certaine poésie.
Bien entendu, n'importe quelle personne un tant soit peu censée aurait paniquée, mais l'odeur si particulière qui chatouillait mes narines m'anesthésiait, m'empêchant de bouger. Je n'avais pas l'impression de courir un quelconque danger, ni même que je mourrais. Je me sentais bien, étrangement sereine. J'aurai du ressentir tout sauf ça bien entendu.
J'essayais de me souvenir à quel moment précis ma vie avait pu prendre une tournure si dramatique, mais je ne trouvais pas le point d'orgue. Quoique, peut-être que j'avais une petite idée. Un évènement qui paraissait au premier abord banal, mais qui avait eu des conséquences terribles. Comme par exemple glisser et se faire rouler dessus par le bus. Ça avait été ça pour moi.
Un petit évènement anodin, qui avait eu des conséquences catastrophiques sur moi et sur ma vie. Je n'étais pourtant pas enclin à la tragédie. Tout avait toujours été organisé autour de moi comme du papier à musique. Je n'aurai jamais pensé que les personnes les plus proches de moi puissent me mentir sur mon héritage familial, et aujourd'hui, avec le recul, je me rendais compte que ce n'était pas si important. Pourquoi remuer le passé ? Pourquoi en vouloir à des personnes qui de toute façon n'avaient aucune considération pour moi ?
Je n'ai jamais entretenu la moindre relation avec eux, et parfois, durant de profonds moments de tristesse, je venais même à me demander pourquoi diable ils avaient décidé de faire des enfants. Enfin, plus particulièrement un enfant. Oui, mes parents. Je n'avais même pas eu la chance d'avoir un frère ou une sœur avec qui jouer, et j'avais passé la majorité de mon enfance seule entourée de milliards de jouets qui ne me distrayaient pas. Au lieu de recevoir câlins, bisous et tendresse, j'avais été noyée dès le plus jeune âge sous des jouets, des robes exquises ou des bijoux hors de prix qu'aucun enfant ne souhaite recevoir. Quelle petite fille de 5 ans se voit ravie de se faire offrir une perle de culture sertie d'un diamant ?
Non, dans tous les cas, je ne parvenais pas à nourrir de rancœur ou de ressentiment envers mes géniteurs. Maintenant que je connaissais toute l'histoire, je ne pouvais pas vraiment leur en vouloir. Mais je devais avouer que j'aurai bien aimé avoir quelqu'un à blâmer. Car je ne pouvais même pas m'en vouloir à moi. Ça aurait été mieux que rien, pourtant. Mais non, ce n'était même pas de ma faute. Je m'étais retrouvée prise au piège d'un tourbillon de violence et j'avais flirté avec la mort plus de fois en quelques mois qu'en l'espace de 17 ans.
Mais tout allait se finir bientôt, et je sentais aux tréfonds de mon ventre des muscles se tordre d'excitation. J'espérais que ce geste irrationnel aurait pour point positif de répondre à toutes nos questions. Nous en avions besoin. J'en avais besoin.
Pendant que mes pensées continuaient de carburer, le sang continuait de tomber sur le sol gelé, et je me rendais compte qu'une flaque s'était formée à mes pieds. Je me mis à respirer par la bouche et à compter mentalement dans ma tête jusque dix. Pendant que je comptais lentement, et que je perdais conscience, je me mis à respirer une dernière fois profondément par le nez et sentis cette fameuse odeur qui me faisais perdre tous mes moyens ; une odeur de menthe et de citron.
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Club Eleven
VampireLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...