~ Chapitre 11

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Tobias me prit brutalement le bras.

Le geste n'était pas violent ni douloureux, mais il eut pour effet de me surprendre. C'était la première fois que nous avions un contact physique. Le garçon prit ma paume, et je fus agréablement surprise par la chaleur que dégageait la sienne.

Bizarrement, je n'avais plus du tout peur. Je me sentais au contraire rassurée par son contact, même si sa réaction avait suscitée chez moi un nombre de questions supplémentaires incalculables. Je ne voyais pas du tout où Tobias voulait en venir lorsqu'il disait que j'arrivais à le « sentir », pour reprendre son expression. Pensait-il que le sens de l'odorat me manquait ? Car ce n'était pas le cas. De surcroît, je ne voyais pas en quoi réussir à décrypter une odeur constituait un exploit en soi.

Comme si désormais mon nez était habitué, je pouvais maintenant sentir sa merveilleuse odeur. Je pensais qu'elle me serait parvenue bien plus tôt –après tout, Tobias était celui avec qui j'avais passé le plus de temps jusqu'à présent-, et cette odeur était de celle qu'on n'oublie pas. Pour une raison qui m'échappait totalement, mon cœur se mit à battre plus fort dans ma poitrine.

Une fois dans le vestibule, Tobias me lâcha la main et se mit à crier le nom de ses colocataires et de son frère. Teodora arriva la première d'un pas guilleret en descendant les escaliers comme une petite écolière. Elle semblait heureuse de me revoir, et moins réservée, j'osais même un petit signe de la main discret afin de la saluer, geste qu'elle s'empressa de me retourner en sautillant sur place.

Teodora aussi était étrange, à l'instar de Lune chez qui une sorte de sagesse semblait naturellement émaner. La jeune fille avait mon âge, mais du peu que j'avais pu voir, elle se comportait physiquement comme une petite fille. Non pas que les gens de mon âge adoptaient les postures des traditionnels adolescents moroses, mais son comportement me laissait dubitative.

Lune arriva en deuxième, d'un pas plus modéré. Je sentis immédiatement le besoin de regarder ailleurs, car la jeune femme m'intimidait. De toute évidence, elle jouait au sein de cette « famille » le rôle de la matriarche. J'avais le sentiment que son avis comptait plus que les autres. La gifle qu'elle avait administrée au géant à côté de moi avait aussi dû m'impressionner.

Enfin, Klaus arriva bon dernier, d'un pas lourd qui laissait entendre qu'il n'avait aucune envie de se retrouver parmi nous. Il était là car son frère l'avait appelé, et ça s'arrêtait là. Encore une fois, j'avais l'impression d'être électrifiée sur place. Quand Klaus était là, la beauté de Tobias en paraissait presque insignifiante, voire banale. Tous mes sens étaient focalisés sur le jeune homme aux yeux troublants. Je tentais de ravaler ma déception lorsque je constatais qu'il m'ignorait avec superbe.

- Allons dans la cuisine, nous y serons plus à l'aise pour parler, dit Tobias.

Tout le monde le suivit. Je trouvais étrange que la cuisine fut un lieu de prédilection dans la plupart des foyers. Que ce soit pour des conversations importantes, pour régler un différend ou pour parler d'une mauvaise nouvelle, les gens se retrouvaient toujours dans les cuisines. Il devait y avoir quelque chose de rassurant et de familier dans cette pièce pour que les gens s'y réfugient systématiquement. A moins que la proximité constante de la caféine y jouait un rôle prépondérant.

Une fois tous dans la cuisine, je ne pus retenir un sourire. On aurait dit que nous étions en train de préparer un conseil de guerre. Teodora était assise sur le buffet de la cuisine, toujours accompagnée de son sourire espiègle. Lune était assise sur une des chaises hautes entourant l'ilot central où j'avais pris mon petit-déjeuner il y a quelques heures, ainsi que Tobias. Klaus, lui, se tenait en retrait, son épaule reposant près de la porte de la cuisine. Quant à moi, j'étais appuyée contre un des meubles de la cuisine, les mains dans le dos.

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