Allongée sur le transat en train de sommeiller, je tente d'emmagasiner un maximum de vitamine D, même si mon corps n'en a plus besoin.
Mais c'est tellement agréable de lézarder au soleil sans avoir à se préoccuper de rien que je laisse durer le plaisir. Le soleil réchauffe ma peau, moi qui ait eu tellement froid ces derniers mois, moi qui ait traversée l'obscurité, seule, durant ce dernier hiver qui a été le plus long et le plus douloureux de mon existence.
- Tu vas finir par brûler, lâche une voix que je ne connais que trop bien.
Je prends la peine d'ouvrir un œil, avant de le refermer aussitôt. Je n'ai ni l'envie ni le besoin d'un sermon de la part de Teodora.
- Ne dis pas de bêtises, je réponds. J'ai une protection.
Je lui désigne du doigt mon chapeau de paille qui recouvre la peau pâle de mon visage.
Aujourd'hui, c'est la première vraie journée d'été que nous avons. La température frôle les vingt degrés et le soleil joue à cache-cache avec quelques nuages timides qui ne resteront pas. J'entends pourtant d'ici le soupir d'extrême frustration de ma meilleure amie.
- Agnes, ces cinq derniers mois, j'ai dépensé beaucoup d'énergie afin de faire de toi un super vampire responsable et mature. L'été démarre et tu ne trouves rien d'autre à faire que de tout fiche en l'air.
- N'exagère pas, dis-je en me redressant. Tu as été aidé par Lune et par Tobias. Et puis, je n'ai pas été un vampire particulièrement retors. Alors lâche-moi la grappe deux minutes.
Elle sait que j'ai raison.
Ces derniers mois, je me suis tenue à carreau, tâchant d'apprivoiser ma nouvelle nature de vampire. Ça n'a pas été facile. Ma nouvelle condition me dictait sans cesse de dire tout haut ce que je pensais. Je me suis découverte plus franche, sans filtre, plus sûre de moi. Alors ça a été compliqué d'écouter Teodora sans broncher, de faire tout ce qu'elle me disait. Heureusement, Tobias a été un précieux allié, veillant à ce que Teodora ne me pousse pas trop loin dans mes retranchements.
« Si tu as envie qu'Agnes te saute à la gorge, vas-y, avait-il dit. Mais si tu tiens à ta jugulaire, donne-lui du lest. Elle se débrouille bien. » Et il avait raison. Sans prétention aucune, je n'avais jamais flanché, jamais piqué une crise. J'avais été un jeune vampire modèle.
Le plus difficile bizarrement, ça avait été d'accepté mon nouveau corps. Le venin avait fait disparaître toute la graisse de mon corps -Tobias m'avait dit une fois que les vampires obèses n'existaient pas-, et si ça avait été une bonne chose de voir disparaître les quelques rondeurs qui me gênaient, j'avais été plus embêtée par la disparation de toutes les marques de mon corps, ce qui avait rendu ma peau d'une perfection qui me laissais dubitative.
Autant la disparition des marques de varicelles me rendait plutôt contente, autant les marques de mes mains et de mes poignets, vestiges d'heures d'entraînements avec Lillemör, m'avait affecté. C'était les seuls souvenirs tangibles qui me restaient de ma jument, la seule preuve de ma vie passée avec elle.
C'était le seul moment où je m'étais sentie triste, affectée, et que j'avais demandé à me retrouver seule pour méditer sur ce changement qui ne me plaisais pas.
Pour le reste, j'étais ... satisfaite. Au moins, j'étais jolie maintenant. Désirable, presque. Mon teint d'une pâleur extrême refaisait sortir mes yeux bleus et ma peau sans défaut me plaisait. Devenir un vampire n'avait pas été si compliqué dans le fond.
Ce qui avait été compliqué, ça avait été de s'accommoder des restrictions imposées par la Chef Teodora : pas de contact avec l'extérieur, pas de consommation outre mesure de sang, pas d'exposition au soleil ... Et d'autres recommandations que j'avais sûrement oublié ces cinq derniers mois.
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Club Eleven
VampirosLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...