- Agnes ? Est-ce que c'est bien toi ?
J'avais dû me liquéfier sur ma chaise, et ne pouvais pas répondre. A la place, je l'interrogeais à mon tour :
- Lisbet ?
A ma grande surprise, elle poussa un petit cri de joie et me serra dans ses bras. C'était la seule personne dans mon école avec qui j'avais plus ou moins réussie à sociabiliser, et Lisbet était la seule camarde à toujours me proposer de déjeuner avec les gens cool. Parfois, j'acceptais, parfois, je déclinais, désireuse de rester seule dans mon coin. Nous faisions tous les jours le trajet ensemble pour aller en cours, et c'était lors de cette occasion qu'elle avait réussi à me convaincre de me percer les oreilles, seule véritable marque de « rébellion » chez moi.
J'étais absolument choquée de la voir en de tels lieux, premièrement parce que pour moi elle faisait partie de mon ancienne vie, et deuxièmement, car je savais dorénavant quel genre de personne pouvait fréquenter les boîtes de nuit suédoises.
- Je suis tellement contente de te voir Agnes, j'étais tellement inquiète. En fait, toute la promotion était inquiète. Quand tu n'es pas revenue après les vacances d'hiver, on s'est posé beaucoup de questions, et quand on s'est enfin décidé à aller voir le principal, il ne nous a rien dit à part que tu avais été désinscrite et que pour lui, tout était en ordre.
J'étais étonnée par ses propos. A mon humble avis, aucun élève –à part peut-être elle- ne s'était réellement inquiété de ma soudaine disparition. Ils avaient sûrement plus eu envie d'apprendre des détails juteux qu'ils auraient pu se mettre sous la dent pendant plusieurs jours de suite.
Lisbet fronça les sourcils, et je fus étonnée de ressentir une bouffée de mélancolie et de tendresse en voyant son expression tourmentée et son beau visage constellé de taches de rousseur. J'étais aussi quelque peu flattée qu'une fille comme elle –belle, riche, intelligente, populaire, bref, sûre de la place qu'elle occupait dans ce monde- daigne s'inquiéter de mon sort.
Malheureusement pour moi, je n'avais jamais envisagé l'éventualité de croiser un camarade de classe et de devoir me justifier sur ma nouvelle vie et ma soudaine disparition. Je n'avais aucune excuse, aucun mensonge de prêt à balancer. Pire encore, je n'étais même pas sûre d'être capable de lui mentir, ou de mentir tout court.
Heureusement, Lisbet me laissa malgré elle un répit supplémentaire en observant Teodora qui elle, nous observait avec intérêt.
- Oh, c'est une copine à toi ? me demanda mon ancienne camarade de classe.
J'hochais la tête en signe d'approbation. Les deux filles se saluèrent cordialement tandis que je me creusais la tête pour trouver une explication convenable. Lisbet entortilla une mèche de cheveux autour de son doigt et me regarda de haut en bas. Je savais qu'elle était en train de monter sa propre théorie de son côté, tandis que du mien, je regardais Teodora avec insistance, la suppliant silencieusement de m'aider.
- Lisbet était en cours avec moi, dis-je en regardant longuement Teodora dans les yeux.
Mon amie comprit tout de suite ce qu'il était en train de se passer, et elle me regarda avec une certaine empathie, sauf que c'était tout sauf ce dont j'avais besoin à l'heure actuelle.
- Alors, dit Lisbet avec toujours ce même froncement de sourcils, où étais-tu passée ? Et depuis quand tu vas en boîte de nuit ?
Je commençais à vraiment avoir chaud, et mon rythme cardiaque s'emballait plus que nécessaire.
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Club Eleven
VampireLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...