- Q ... quoi ?
Mes larmes cessèrent de couler presque automatiquement.
Ça pour un choc, s'en était un. Apprendre après tout ce qui venait de se produire ces derniers jours que Klaus et Tobias n'étaient pas frères me paralysait. Depuis mon arrivée ici, cela avait été à peu près la seule chose dont j'avais été sûre, cela avait été la seule certitude qui avait rythmée mes longues journées, et voici qu'à présent, elle s'écroulait elle aussi. C'était un fait, ma vie était devenue un fragile château de cartes.
Dès la première nuit, quand Tobias m'avait accueilli sur le perron de la demeure, et quelques minutes plus tard, quand j'avais découvert l'hypnotisant visage de Klaus après qu'il ait poussé Tobias, j'avais immédiatement sauté à la conclusion que les deux garçons étaient frères. Je n'avais eu aucune idée quant à celui qui était le plus âgé, mais la ressemblance entre eux était tellement frappante que je ne m'étais pas posée davantage de questions.
Les mêmes cheveux bruns, les mêmes sourcils broussailleux, les mêmes yeux d'un bleu-gris percutant, les mêmes lèvres pleines et ourlées. Certes, Tobias surpassait Klaus en taille et en musculature, Klaus étant plus fin mais avec des muscles bien réels, mais j'avais toujours pensé que si les deux hommes avaient dû pour une raison ou une autre se battre, cela aurait été un combat égal.
Et voilà maintenant qu'on me disait que tout ce que j'avais supposé, supputé, n'était qu'une illusion. La ressemblance entre mes deux colocataires masculins semblait tellement évidente qu'on aurait dû m'affirmer le contraire dès mon arrivée ici. Teodora m'avait annoncé cela comme si il semblait logique que les deux individus ne partagent pas le même sang.
- Ils ne sont pas frères du tout, dit Teodora, toujours en fronçant les sourcils. Je pensais que ça se voyait.
Elle me tendit un mouchoir et seulement à cet instant je me rendis compte que mon nez coulait. Je m'essuyais rapidement le nez et roulais en boule le mouchoir tout en commençant distraitement à en déchirer de petits bouts.
- Non, ça ne se voit pas, répondais-je en insistant. Ils se ressemblent tellement ...
- Tu trouves ? Peut-être physiquement, mais au niveau du caractère, ils sont aux antipodes. J'ai vraiment du mal à croire que tu aies pu penser ça.
Voyant que je gardais le silence, Teodora se pencha en face de moi en tendit sa main vers moi.
- Je suis désolée, si j'avais su, je te l'aurai dit dès le début.
Je secouais la tête, tâchant de reprendre mes esprits.
- Non c'est bon, ça va. Je ne sais même pas pourquoi je le prends comme ça, m'esclaffais-je.
C'était vrai, après tout. Il était inutile de faire un péplum d'une information qui, au final, n'était pas d'une importance capitale. Ces derniers temps, on m'avait révélé des informations pour le moins plus choquantes que celle-ci. En fait, quelque part, cela m'ôtait d'un poids. Non pas que je n'allais plus avoir mauvaise conscience de monter Klaus et Tobias l'un contre l'autre malgré moi, mais je devais admettre que ne pas briser un lien fraternel allégeait le poids de ma poitrine.
Comme à chaque fois que Teodora s'apprêtait à me livrer une information, elle se mit à réfléchir pendant ce qui me semblait être une éternité. Elle se leva pour se servir un café, et prit tout son temps pour verser le lait dans la tasse, sucrer la boisson et mélanger le tout.
- Ils ne sont même pas nés au même siècle, dit Teodora en rigolant avec nervosité.
Bien entendu, sa remarque avait le don de faire naître en moi une foule de questions qui m'empêcherait certainement de dormir cette nuit. Si elle s'apprêtait à me dire que Klaus avait vécu avant Jésus, je ne donnais pas cher de ce qui restait de ma santé mentale. Heureusement, elle commença à répondre à mes interrogations avant même que je ne formule ces dernières à voix haute.
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Club Eleven
VampireLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...