~ Livre Deux - Chapitre 8

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Lovée dans le fauteuil qui fait face au feu de cheminée qui ronronne dans ma chambre, je suis en train de relire l'Hypnotiseur de Lars Kepler. Je n'aime même pas cette œuvre, je la trouve bien trop glauque, même oppressante, mais elle a au moins pour mérite de me changer les idées.

J'ai l'impression de naviguer en eaux troubles depuis bien trop longtemps, et je ne sais plus où j'en suis, ni ce que je suis censée faire. Me suis-je aventurée trop loin des limites de mon identité ? Ma transformation en vampire était-elle vraiment nécessaire ?

J'imagine que j'ai maintenant l'éternité pour y réfléchir. Je pose le livre sur mes genoux et observe mes mains, songeuse. Depuis que je suis devenue un vampire, je ne peux m'empêcher de ressasser le passé. C'est ridicule, j'en suis consciente. Mais je me demande souvent qu'elle aurait été ma vie si je n'avais pas appartenu à une famille tributaire du Club Eleven.

Que ce serait-il passé si je ma virginité, mon corps et mon sang n'avaient pas été vendus au plus offrant ? Si je n'avais pas été exposée comme un maquignon expose une jument bonne à la reproduction ? Si on ne m'avait pas traité comme un vulgaire bout de viande ?

J'imagine qu'à l'heure actuelle je serai toujours chez moi, à jongler avec ma routine habituelle : l'école, Lillemör, éviter mes parents. J'inspire profondément en pensant à ma jument. Je n'ai plus rien qui me rappelle à mon ancienne vie. Pas même les marques sur mes mains, vestiges du dur labeur qu'a été l'entraînement avec Lillemör. Même ça, ma nouvelle vie me l'a enlevé. Le venin a enlevé toute trace de chutes, d'écorchures, ou de tâches propres à ma personnalité, à celle que je suis.

Je me lève, balance le livre négligemment, soudainement dégoûtée par l'intrigue qui ne me plait même pas de toute façon. Je me dirige dans mon dressing surdimensionné, en maudissant silencieusement Teodora à chaque fois que mes yeux croisent du satin ou du velours.

J'ouvre le compartiment à sous-vêtements, que j'ai vidé de tous les dessous affriolants que je n'ai pas l'intention de porter, et que je ne porterai jamais. Je sors le petit carton que je dissimulais sous le coton, et m'assois en tailleur, hésitant à l'ouvrir.

Je caresse le haut de la boîte, hésitante. J'ai l'impression d'avoir entre les mains la boîte de Pandore, ce qui est parfaitement ridicule. Quand je l'ouvre, je reste stoïque, comme si je m'attendais à ce qu'une bombe m'explose au visage. Mais rien ne se passe.

Je retire le papier de soie qui protège le contenu de la boîte, et reste interdite, bien que je sache déjà ce que je vais y trouver.

Tous mes bijoux ont soigneusement été emballés au moment où le peu d'effets personnels que je possédais m'ont été déposé. Si j'ai demandé à Tobias d'entreposer une grande partie d'entre eux au grenier, j'ai néanmoins gardé mes bijoux.

Je les observe sans les toucher. De ma première perle de culture offerte à l'âge de cinq ans à la pierre reçue il y a quelques mois pour mon dix-septième anniversaire, elles sont toutes là. Mais aucune d'entre elles ne raconte une véritable histoire, aucune n'est rattachée à un véritable souvenir, à un vrai moment de bonheur. Ces pierres sont vides, froides, sans âme.

La tête en arrière, je respire profondément, tandis que les larmes coulent le long de mes tempes. Merde, maintenant je pleure en regardant de simples cailloux ! On frappe doucement à l'entrée du dressing, et en constatant qui se trouve là, mon moral descend encore plus en flèche.

- Salut.

Klaus se trouve là, les mains dans les poches, une épaule contre la cloison. J'essuie rapidement mes larmes, et referme rapidement la boite que je fais glisser sur le sol un peu plus loin, pour qu'elle soit loin de ma vue. Et de la sienne.

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