Le lendemain matin, je me réveillais avec un mal de tête sourd, qui me donnait l'impression qu'un orchestre jouait quelque part dans les méandres de mon cerveau.
Je me précipitais sous l'eau de la douche en faisant la promesse silencieuse que, peu importe la quantité d'alcool que j'avais ingurgité la veille au soir, c'était la première et dernière fois. Je me sentais sale et fatiguée, ainsi que confuse.
Hier, je m'étais faite avoir comme une bleue, tant par Klaus que par Tobias. J'étais encore une fois bêtement tombée dans les bras du premier, et je m'étais laissée amadouée par le deuxième. Stupide, stupide, stupide ! me gronda ma conscience.
Je ne m'attardais cependant pas trop sur mon attitude envers Klaus. Il semblait que peu importe combien je lutterai, je serai toujours aussi fascinée, attirée et envoutée par le garçon. Je ne pouvais pas me battre contre lui, car il ne se battait pas à la loyale. J'étais de plus en plus déterminée à comprendre le lien qui m'unissait aux garçons. Je ressentais pour chacun d'entre eux des sentiments complètement différents – une passion dévorante pour l'un, une profonde tendresse pour l'autre-, mais je ne savais pas comment maîtriser ces sentiments.
La veille au soir, Tobias m'avait étonné. Ces dernières semaines, il m'avait carrément ignoré, se comportant presque comme Klaus à mon égard, et son soudain excès de jovialité m'avait laissé pantoise.
Maintenant que je n'avais plus d'alcool dans le sang, je pouvais enfin réfléchir à ce que cela signifiait. J'avais toujours trouvé Tobias gentil, compréhensif, loyal. Mais si en fait je me faisais manipuler depuis le début ? Si tout cela n'était qu'une façade ? Un moyen pour lui de mieux atteindre ses objectifs ?
Si tel était le cas, j'allais en mourir, du moins métaphoriquement parlant. Je ne pensais pas être en mesure de digérer une trahison de sa part. A plusieurs reprises, le comportement de Tobias à mon égard m'avait perturbé ; nos effusions, nos confidences l'un envers l'autre, mais aussi cette façon qu'il avait de me dévisager ou de gémir doucement en ma présence m'avait conduit sur la piste que –peut-être- était-il un petit peu attiré par moi.
Mais ses leçons de morale, sa manière de s'immiscer dans ma vie en me disant ce qui est bien pour moi ou non m'avait refroidi. A l'heure actuelle, je ne savais pas si je devais ou pouvais lui faire confiance. Néanmoins, j'étais absolument certaine d'une chose : j'étais liée aux garçons d'une manière dont j'ignorais encore tout.
Fatiguée de tous ces processus mentaux épuisants, je m'autorisais quelques larmes qui vinrent se mélanger à l'eau chaude de la douche. Fatiguée, j'étais fatiguée. Ma première vie m'avait apporté solitude, manque d'amour et de considération, et voilà que ma deuxième vie semblait prendre le même virage.
Soudainement animée par une rage que je ne me connaissais pas, j'éteignis brutalement l'eau de la douche, me séchais rapidement, et nue, restais plantée devant mon dressing un petit moment.
Il fallait que je sois intelligente.
Il fallait que je sois subtile.
Il était hors de question que je me laisse de nouveau manipuler. Ma tristesse et ma fatigue avaient réveillé un monstre tapi en moi, enfoui, qui ne demandait qu'à se réveiller.
Le monstre avait faim.
Il avait faim de vérité.
Pendant que j'observais la tonne de vêtements de mon dressing, je me tressais les cheveux en deux couettes, jusqu'à ce que mon dévolu se fasse sur un pantalon noir et un col roulé noir tout doux que je n'avais encore jamais porté.
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Club Eleven
VampireLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...