~ Livre Deux - Chapitre 18

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Je n'ai jamais été le genre de fille à faire des histoires. Je faisais plutôt partie du groupe adverse, celui qui évite le conflit à tout prix et qui essaye de raisonner ceux qui crient et se disputent sans arrêt.

Je n'ai jamais eu de problème avec qui que ce soit dans ma vie. J'étais bien trop solitaire et timide pour oser élever la voix. Même à l'école, où je voyais bien qu'on me traitait et me regardait différemment des autres, je n'ai jamais cherché la castagne. Je savais que je ne correspondais pas à l'image que reflétait la société, mais ça m'étais égal.

J'avais Lillemör, et je passais tous mes week-end en sa compagnie. Une compagnie silencieuse, certes, mais qui me le rendait bien. Le confort et le bonheur que je ressentais avec elle, je ne l'ai jamais ressenti avec un être humain. Elle était ma jumelle, et c'était agréable de réussir à communiquer avec elle sans lui parler. Comme si nous ne faisions qu'une personne.

C'est grâce à elle que je supportais les repas mornes avec mes parents, les cocktails et les dîners d'inauguration. Parce que je savais qu'au final, peu de temps après, j'allais la retrouver, et que la sensation du vent dans mes cheveux tandis que ma jument s'élançait au galop valait largement la peine. Quelques heures d'ennuis quand je pouvais ensuite retrouver mon âme sœur, ce n'était pas grand chose en comparaison.

Mais voilà, les choses ont changé, et aujourd'hui je me sens plus seule que jamais. Je suis une coquille vide, et j'ai le sentiment d'être une flaque d'eau dans laquelle on ne cesserait jamais de marcher. Je n'ai même plus Lillemör comme échappatoire, comme porte de secours.

Je contemple la pluie d'été avec morosité, le menton posé sur mon genou relevé. Même la pluie ne parvient pas à m'apaiser. Quand j'étais plus jeune, j'adorais le sentiment de sécurité qu'elle me procurait. J'adorais aller aux écuries même quand il pleuvait, car l'odeur de pluie se mélangeait à l'odeur de foin et de paille, créant une fragrance unique. Mais là, elle représente juste le reflet de ma propre solitude.

Je n'ai même plus cette stabilité que m'offrait l'école. Certes, ce n'était pas très marrant de parler à personne, de ne pas avoir d'amis avec qui manger et d'avoir des professeurs qui survolaient mon siège comme si je n'existais pas, mais rien n'égalait le sentiment de fierté d'une bonne note, d'une remarque pertinente ou d'une réponse trouvée uniquement grâce à mes connaissances personnelles. Et puis, ça me donnait un but à atteindre, une vie à organiser et à prévoir. Je pouvais décider de devenir qui je voulais, et toutes les portes étaient ouvertes.

Aujourd'hui je suis sans diplôme, sans Lillemör, sans perspective d'avenir et je suis un vampire qui n'est plus sûr d'avoir pris les bonnes décisions. Je suis amoureuse d'un homme qui me hait probablement plus qu'il se hait lui-même, j'ai des sentiments pour un homme -presque- parfait qui ne penserait jamais à me faire de mal et j'ai blessé ce qui se rapproche d'une meilleure amie en lui balançant une vérité dérangeante à la figure.

Voilà où je suis aujourd'hui.

- Je peux entrer ?

La petite tête brune de Teodora interrompt mes pensées lugubres et je me contente d'hocher la tête pour qu'elle s'approche.

Elle s'assoit au bout de mon lit, et elle est à croquer dans son pyjama menthe à l'eau aux motifs fleuris. Son visage dépourvu de maquillage la fait paraître encore plus jeune qu'elle ne l'est déjà. Je ne sais pas par où commencer. Je suis mentalement épuisée. Mais c'est pourtant à moi de parler. Elle a fait l'effort de venir jusqu'à moi, c'est donc à moi que reviens la tâche de parcourir le reste du chemin.

- Teo ... je commence, mais c'est la panne sèche. Je ne sais tout simplement pas quoi dire.

- Tout va bien, me rassure-elle d'un sourire. Je te jure. Je suis venue te présenter mes excuses.

Club ElevenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant