J'entendis Klaus prendre une profonde inspiration, même si il me tournait le dos.
Je faillis me retourner et fuir, mais je me faisais violence pour ne pas le faire. Premièrement, car son odeur était tout bonnement divine, et que je ne pouvais m'en éloigner, deuxièmement car je n'étais plus –ou du moins j'essayais de ne plus être- cette petite fille effrayée par tout.
Quand Klaus se retourna, je constatais qu'il me fusillait du regard. Ses yeux auraient pu me lancer des flammes, ça aurait été du pareil au même. J'usais de toute la force dont je disposais pour tenter de garder un air serein suite à la question scandaleuse que j'avais osé proférer face au maître des lieux.
- Pourquoi est-ce que tu dis ça ? dit-il enfin.
Il posa d'un geste lent sa tasse de café sur le rebord de la cheminée tout en penchant la tête sur le côté, comme si il était sincèrement intéressé par la réponse.
- On s'en fiche de pourquoi je dis ça. Pourquoi tu ne réponds pas à ma question ?
- Et pourquoi tu ne réponds pas aux miennes ? contrattaqua-il.
- Parce que je t'ai posé la question en premier.
Il éclata d'un rire qui n'avait rien en commun à celui de Tobias, cristallin et sincère. Là, ce n'était que froideur et moquerie. Le silence s'installa, et je capitulais la première.
- Je te demande ça parce que tout dans ton comportement à mon encontre laisse penser que tu me détestes. Voire même que tu me hais, dis-je en insistant sur le mot.
Klaus plissa les yeux, réduisant ces derniers à deux fentes dont l'iris était à peine visible. Il s'avança vers moi, tel un prédateur approchant sa proie, et je sentais mes jambes prendre la consistance d'une flaque d'eau. Puis il s'assit sur l'un des grands fauteuils et pointa un doigt méprisant vers moi tout en disant :
- Voilà ce que je n'aime pas. C'est toi que je n'aime pas. C'est toute ta personne que je déteste. Tu représentes à toi toute seule tout ce que je déteste dans la race humaine : tu es faible, naïve, peu combative et tu te laisses emporter par le courant de la vie comme si tu n'étais qu'un vulgaire fétu de paille emporté par le vent. C'est pour ça que je te méprises. C'est pour ça que je n'ai aucun respect ni aucune considération pour les gens de ton espèce ou pour toi tout court.
J'expirais brusquement, recrachant l'air que j'avais gardé dans mes poumons pendant cette tirade. C'était la première fois que Klaus prononçait une phrase aussi longue en ma présence, et pourtant il venait d'utiliser sa salive pour me dire les mots les plus blessants que j'avais entendus de toute ma vie.
- En plus de ça, poursuivit-il, tu n'as aucun instinct de survie. Tu apprends que tu es dans une maison remplie de vampires, et toi, au lieu d'essayer de fuir, tu cours t'enfermer dans ta chambre pour mener à bien ta petite crise existentielle. Tu penses vraiment qu'une simple porte peut nous arrêter ? N'importe quel être normalement constitué aurait tenté de fuir.
Il secoua la tête de dégoût, faisant s'agiter ses boucles brunes.
- Je dois continuer ou tu as assez d'informations ?
Sa bouche se tordit en un rictus mauvais tandis que la boule grossissait dans ma gorge, me donnant l'impression que je pouvais éclater en sanglots à tout moment. Comme je ne répondais pas, Klaus me chassa d'un geste de la main :
- Maintenant, dégage. Tu empiètes sur mon espace.
J'avais tellement envie de lui dire tout le mal que je pensais de lui, à quel point il était un grossier personnage qui n'avait pas le droit de traiter les gens ainsi, mais encore une fois je demeurais silencieuse. Au lieu de partir, comme il me l'avait demandé –ordonné-, j'avançais d'un pas dans sa direction. Klaus fronça les sourcils.
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Club Eleven
VampireLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...