~ Livre Deux - Chapitre 3

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Je crois que mon cœur loupe un battement. A moins que le rythme ne soit en train d'accélérer, je n'en sais vraiment rien. Mais la panique de Teodora déclenche la mienne, et je me surprends à m'inquiéter. Son odeur sucrée de pain d'épice mélangé à la cannelle -odeur que je suis en mesure de capter depuis seulement quelques mois, date de ma transformation en vampire- me chatouille les narines.

- Pourquoi tu paniques ? je demande d'une voix basse de peur qu'on m'entende. Allons chercher Lune et on va tous discuter.

- Mais t'es complètement conne ou quoi ? écume Teodora. (Dans sa bouche, le juron est encore plus vulgaire) Lune est sortie pour se nourrir, je n'arrive pas à la joindre, elle est probablement sur une autre planète à l'heure qu'il est, avec plein de sang dans la bouche. Et Klaus ne sait pas que tu es devenue un vampire. Dieu seul sait comment il va réagir. On risque tous notre peau, là-dedans : Lune, parce qu'elle t'a transformé, et Tobias, pour avoir donné son autorisation.

Teodora prend son visage dans ses mains, ses boucles brunes s'agitent, tandis que je me vautre dans cet affolement silencieux. Il est hors de question que je laisse une telle chose se produire. Mon cerveau carbure à toute vitesse tandis que j'évite de penser qu'il s'agit là du retour de Klaus. Au final, Teodora me pousse doucement et ouvre la porte de ma chambre.

- Bon, je vais voir ce que je peux faire, dit-elle à un débit rapide. Je vais devoir harceler Lune au téléphone pendant que je vais gérer en même temps la crise imminente qui se prépare. Il ne manquerait plus que les garçons se battent, et là, j'aurai tout gagné.

- Et moi, qu'est-ce que je suis censée faire ?

Malgré mon cerveau qui turbine à toute allure, c'est la panne sèche ; je n'ai aucune idée de quoi faire. D'ailleurs, je vois de l'inquiétude dans le regard de Teodora. Elle doit avoir pitié de moi, car elle me serre brièvement dans ses bras et me dis en chuchotant :

- Prépare-toi à nous rejoindre, dit-elle. De toute façon, on ne peut pas repousser ça pour toujours. (Elle se tait un instant et ricane) Je choisis bizarrement mes mots. Bref, rejoins-nous quand tu te sentiras prête. Pas la peine de faire exploser ton cœur fraîchement mort en stressant.

Elle me tourne le dos, me laissant seule.

Seule, encore une fois.

Mécaniquement, je pose ma serviette de bain, m'habille des premiers vêtements qui me tombe sous la main, sentant à peine la matière qui effleure ma peau nue, comme si j'étais anesthésiée.

Je suis anesthésiée.

Ces derniers mois, j'ai tenté d'oublier Klaus comme on chasse un poison hors de son corps : de façon lente et douloureuse, certes, mais efficace. J'en étais arrivée au stade où j'en étais venue à la conclusion suivante : Klaus est sorti de ma vie, je ne le reverrai jamais.

Je le pensais vraiment. Après tout, il était libre d'aller où bon lui semblait, et j'avais accepté qu'il ne demeure qu'un souvenir dans ma mémoire. Je voulais du positif, dans cette nouvelle vie, et pas me remémorer sans arrêt les heures passées à le supplier silencieusement de m'accorder un peu d'attention.

Le pire souvenir, le plus pitoyable sûrement, c'est ce dernier jour, où je lui ai avoué à demi-mots mes sentiments, et qu'il m'a rejeté, pour la millième fois. Ce souvenir, j'ai tenté de l'oublier, mais de tous les moments que j'ai passé avec lui, c'est bien entendu celui dont je me souviens avec le plus de précision. Même les deux fois où nous avons passé un moment intime sont des souvenirs flous et vagues dans ma mémoire.

Et pourtant il est là.

Pour qui, pour quoi, pour combien de temps, je n'en ai aucune idée. Mais savoir qu'il est de nouveau sous le même toit que moi fait voler en éclat ma prétendue sérénité, et tout mon corps me brûle, comme si je me trouvais sur un bûcher, et non dans ma chambre.

Club ElevenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant