Je me relevais vivement du lit, soudainement effrayée. L'expression de Tobias n'était plus la même. Son visage avait pris une teinte sombre et il détourna la tête, comme si il essayait de se cacher de moi. Je ne m'attardais cependant pas là-dessus, bien trop préoccupée par l'expression qu'il arborait.
Je me pris les pieds dans l'épais tapis de sa chambre, et d'un pas rapide, gagnait la sortie. Je marchais sans vraiment voir où j'allais, mais ce que je savais, c'est que je fuyais le danger. Oui, le danger. J'avais ressenti que ce qui se passait dans cette chambre allait au-delà de ce que je pouvais comprendre.
L'espace d'une fraction de secondes, j'avais eu un doute. Tobias était-il si gentil et inoffensif ? Son expression quelques secondes auparavant me donna l'impression que non. La main posée contre mon cœur pour maitriser ma respiration, je ne vis qu'à la dernière seconde en tournant le long de couloir qu'il y avait quelqu'un, et je butais contre un torse que je ne connaissais pas. Mon cœur s'arrêta de battre quelques secondes quand je vis de qui il s'agissait.
- Qu'est-ce qui se passe ici ? Et qu'est-ce que tu fais là, toi ? grogna Klaus tout en prenant mes poignets dans ses mains.
Dans l'exiguïté et la semi-obscurité du couloir, le garçon paraissait encore plus menaçant, et donc d'autant plus beau. Une sensation étrange me saisit au fin fond de mes tripes. Que pouvais-je lui répondre ? Que j'avais désobéi à Lune et que maintenant son frère se comportait étrangement ?
- Tobias ... il ... enfin ...
Klaus me poussa brutalement contre le mur, me coupant le souffle. Je réalisais seulement à cet instant qu'il venait de se placer de façon à ce qu'il soit entre moi et la chambre de Tobias, comme une barrière. De la chambre du frère de Klaus, on n'entendait aucun bruit, comme si le garçon s'était volatilisé.
- Tu vas bien ? Il t'a fait du mal ?
Klaus observait les parties visibles de mon corps. Il s'attarda sur le haut de ma poitrine, ce qui me fit rougir. Pourquoi sautait-il à la conclusion que son frère m'avait blessé ? J'avais le profond sentiment que Tobias ne ferait jamais rien qui puisse intentionnellement me faire du mal. Je secouais la tête en guise de réponse.
- Pourquoi tu es allée dans sa chambre ?
Je méditais sur cette question pendant quelques secondes. La façon dont Klaus l'avait formulée me dérangeait. De plus, j'avais l'impression qu'il sous-entendait quelque chose. Sous la surface neutre de son visage, je sentais autre chose ; de la colère ?
- J'avais envie de le voir, murmurais-je. Je ne comprends pas pourquoi Lune m'interdit de vous voir tous les deux.
C'était la vérité, ce que je disais. Et d'ailleurs, j'avais besoin de savoir ce qui se passait ici, et quel rôle je jouais dans toute cette histoire. J'étais prête à tout entendre. Mes parents m'avaient vendu pour une vulgaire mise aux enchères, nom d'un chien ! Si j'avais réussi à plus ou moins assimiler cela, je pouvais entendre le reste.
- Et bien tu viens probablement de comprendre ! cracha Klaus. Maintenant, dégage !
La façon dont il s'adressa à moi me fit l'effet d'une gifle, et je chancelais sous le coup de ses paroles. Mais Klaus semblait être dépourvu de cœur, et s'il se rendit évidemment compte que j'étais blessée, il ne retira pas ses propos pour autant.
Je me détournais de lui, complètement ravagée par ce qu'il venait de se passer. Je me tournais une dernière fois, et constatais que Klaus semblait perdu, le front appuyé contre le mur.
Je rejoignais ma chambre presque en courant, et m'affalais sur mon lit. Je sentais l'adrénaline redescendre petit à petit, me donnant l'impression que je tremblais. J'avais envie de pleurer, et j'avais le sentiment que je me sentirai mieux en pleurant, mais mes yeux demeuraient secs.
VOUS LISEZ
Club Eleven
VampireLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...