Tobias me raccompagna dans ma chambre, à ma plus grande surprise.
Je pensais que nous allions visiter le domaine, mais peut-être voulait-il commencer sa visite ici. La pièce était encore plongée dans la pénombre, car j'avais refermé les rideaux, et le garçon s'approcha de la fenêtre pour les tirer. Un rai de lumière inonda la pièce qui se retrouvait maintenant nimbée d'une lueur orangée.
- On ne va pas vivre dans le noir quand même ! s'exclama-il, et il m'adressa un clin d'œil.
Nous étions l'un en face de l'autre, même si nous nous tenions à bonne distance. Je me sentais un peu plus à l'aise mais je n'avais toujours pas spécialement envie de parler. J'avais l'impression que tant que je ne saurais pas ce que je faisais ici, il serait difficile pour moi de me lâcher.
- J'ai pensé que tu voudrais peut-être faire un brin de toilette avant que nous partions en exploration. Pendant que tu te laveras, j'irai te chercher une tenue plus adéquate. Je la poserai sur ton lit, et je t'attendrai devant la porte de ta chambre. Tu n'auras qu'à venir quand tu seras prête.
C'était la plus longue phrase qu'il avait prononcé depuis notre rencontre. Je remarquais seulement à cet instant que Tobias avait une drôle de façon de s'exprimer : il détachait chaque mot soigneusement, et ses inflexions tonales étaient totalement différentes de ce que j'avais pu expérimenter jusqu'à présent. Comme si il venait d'un autre temps.
Je hochais la tête pour marquer mon approbation. J'avais désespérément besoin de me laver, de laver mon esprit et de revêtir une tenue plus appropriée. Celle-ci me rendait mal à l'aise et me rappelait bien trop la nuit que je venais de passer. Avec un peu de chance, une fois lavée et changée, je me sentirais plus à l'aise.
Tobias quitta la pièce en fermant doucement la porte derrière lui. D'un pas lent, je me dirigeais vers la salle de bain et fouillais dans les tiroirs avant de me laver. J'étais à la recherche de serviettes de douche ainsi que de produits pour me nettoyer. Je finissais par mettre la main sur des serviettes blanches et moelleuses ainsi que sur un savon encore dans son emballage.
J'ouvris le robinet de la cabine de douche –je n'étais pas d'humeur à prendre un bain-, et tendis la main sous la cascade d'eau jusqu'à ce que la température me convienne. Une fois sous le jet puissant de l'eau, une digue dont je ne soupçonnais pas l'existence céda, et j'éclatais en sanglots.
J'étais complètement perdue, dans une maison remplie d'étrangers. Ils avaient l'air plutôt gentils –surtout Teodora et Tobias-, mais ce n'était pas ma maison, et ça ne le serait jamais. Je ne savais même pas dans quelle partie de la Suède je me trouvais. Je pensais aussi à Lillemör, ma jument. Qui allait s'occuper d'elle ? Mes parents l'avaient-ils déjà vendue ?
Depuis des siècles, la relation et l'alliance créée entre l'Homme et le cheval demeurait fragile. Avant que cette créature soit utilisée dans la vie quotidienne par notre espèce, le cheval était principalement traqué et tué pour sa viande et sa peau. Etait-ce ce qui allait arriver à ma jument ?
Je n'étais pas douée pour les relations avec les gens de manière générale. Ma jument était ma meilleure amie, ma meilleure confidente, la personne la plus importante de ma vie. Rien qu'y penser fit davantage affluer les larmes qui se déversèrent avec l'eau de la douche.
Afin d'éloigner ces pensées désagréables, je me lavais et frottais l'épiderme de ma peau jusqu'à ce que ce dernier soit à vif. Je frottais mon cuir chevelu avec tout le désespoir et la colère dont j'étais capable. Ma peau était rougie de partout, et je me rendais alors compte que si je me comportais de cette façon c'était car je ne voulais pas qu'il reste un seul atome de cet affreux endroit appelé Club Eleven sur ma peau.
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Club Eleven
VampireLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...