~ Livre Deux - Chapitre 7

161 23 4
                                    

Déterminée, je regagne l'intérieur de la maison, et grimpe quatre à quatre les marches en marbre.

Je grimpe la petite échelle qui permet d'atteindre les quartiers de Lune, mais quand j'y parviens, il n'y a personne.

Où diable est-elle ?

Je redescends, bouillonnante de colère, pressée de la retrouver. Si je ne quitte pas cet endroit tout de suite, je sens que je vais perdre ce qui me reste de santé mentale, et je sais qu'il n'y a déjà plus grand-chose. Je risque de commettre une très, très grosse bêtise si je reste entre quatre murs avec Klaus dans les parages. Soit je vais l'écharper, soit me jeter à ses pieds, ce qui, l'un dans l'autre, est très mal.

Après quelques minutes d'errance, je trouve enfin Lune dans la bibliothèque. La pièce est nimbée d'une lueur orangée de fin de journée, et l'immense globe terrestre qui compose la pièce tourne doucement sur lui-même.

Teodora aussi est là, encore en train de pleurer doucement et élégamment dans un mouchoir à broderie. Les deux femmes me dévisagent avec scepticisme. Je sais bien la tête que je dois arborer pour avoir croisé mon reflet dans le miroir du vestibule : pâle, échevelée, des marbrures rouges sur le visage. Je ressemble à une gorgone.

- Agnes, tout va bien ? demande Teodora d'une voix inquiète.

Je ne la regarde pas, toute mon attention est concentrée sur Lune.

- Il faut que je parte d'ici, dis-je d'un ton sans appel.

- Quoi ? s'exclament les deux femmes de concert.

- Il faut que je parte d'ici, je répète d'une voix que je veux calme et posée.

Lune regarde longuement Teodora, et cette dernière se lève. J'imagine qu'elle vient silencieusement de lui demander de quitter la pièce. Je me sens quelque peu coupable de chasser Teodora ainsi, surtout qu'elle est en train de vivre une situation beaucoup plus difficile que la mienne.

Aussi, quand elle passe à côté de moi en reniflant doucement, je pose ma main sur mon épaule et lui lance un regard dans lequel, j'espère, elle verra tout ce que je ressens : la colère, la peur, la déception.

- Excuse-moi, Teodora.

Je suis de nouveau à deux doigts de pleurer, mais elle m'adresse un sourire réconfortant que je ne suis pas sûre de mériter.

- Je comprends, Agnes, tu n'as pas à présenter tes excuses.

Teodora s'éloigne tandis que Lune et moi nous regardons sans dire un mot, jusqu'à ce que le bruit d'une porte qu'on ferme se fasse entendre. Aussitôt, Lune croise ses bras sur sa poitrine. Elle me dévisage maintenant d'un air sévère.

- Que se passe-il ?

- Tu es sourde ou tu fais exprès de ne pas comprendre ? je m'agace. Il faut que je parte d'ici.

Bon sang, ça fait trois fois que je lui dis.

- Je ne suis pas certaine de beaucoup apprécier le ton avec lequel tu t'adresses à moi, dit-elle froidement. Je pensais que Teodora t'avais mieux appris que ça à prendre sur toi.

- Je sais prendre sur moi ! je crie en levant mes mains. Peut-être pas là, tout de suite, mais je t'assure que je sais prendre sur moi. D'ailleurs, si ça n'avait pas été le cas, tu aurais un cadavre sur le dos à l'heure actuelle.

- Rien que ça, ricane-elle. Je parie mes deux prochains repas que ce potentiel cadavre est Klaus, est-ce que je me trompe ?

Mon absence de réponse la fait sourire, tandis que les larmes affluent de nouveau au coin de mes yeux. C'est terriblement gênant.

Club ElevenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant