~ Chapitre 48

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- Salut, dis-je, hésitante, sur le pas de la porte de la chambre de Klaus.

Ce dernier était habillé moins élégamment qu'à l'ordinaire, et ses prunelles avaient une expression un peu folle, comme s'il ne savait pas trop ce qu'il était en train de faire ou était censé faire tout court. Deux grosses valises trônaient sur son lit, n'attendant qu'à être fermées. Cette vision faisait malgré moi accélérer mon rythme cardiaque ; je n'aimais pas cette vision.

Klaus semblait avoir emballé une bonne partie de ses affaires personnelles bien qu'il n'en possédait pas beaucoup. Contrairement aux autres habitants de la maison qui au fil des ans avait accumulés beaucoup de bibelots et d'artéfacts, Klaus, lui, semblait s'être contenté du minimum, à savoir un toit sur sa tête. Il avait suffisamment d'objets pour avoir besoin de deux grosses valises remplies à ras bord, bien sûr, mais pas assez pour être obligé de laisser quelque chose de précieux derrière lui.

- Salut, dit-il sur le même ton.

Nous ne nous étions pas parlé depuis l'incident, et cela nous allait comme ça, enfin je crois. Mais là, c'était différent. Je m'en serai voulu si je n'avais rien fait pour le retenir. C'était la dernière fois. La dernière fois que je me battais pour lui.

Ma décision était irrévocable, je n'allais pas revenir dessus.

Pendant des mois, j'avais essayé de comprendre Klaus, de deviner toute seule ce qui avait pu le rendre aussi cruel, froid, distant et condescendant. J'avais essayé de comprendre le fil complexe de ses pensées et le schéma avec lequel il fonctionnait. En vain. La seule chose que j'avais gagné, c'était un cœur réduit en bouilli et une confiance en moi-même ébranlée.

Mais j'allais tenter, une dernière fois, pour lui, pour moi, pour nous, de le retenir. Car je refusais encore et toujours de croire qu'il n'y avait que de la noirceur chez cette personne. Parce que j'avais été témoin –à de rares reprises, certes- de son humour, de sa gentillesse, de sa passion, de son instinct de protection.

Parce que je l'aimais.

J'étais tombée amoureuse de Klaus malgré ce chaos. Ça n'avait rien à voir avec notre Lien, ni avec sa Senteur, ou la mienne. J'étais tombée amoureuse de tous ses défauts. Je l'aimais d'un amour destructeur, passionnel, ravageur, suffisant pour nous blesser tous les deux. Je ne l'aimais pas d'un amour sain, pur ou réciproque. Non. Je l'aimais d'un amour malsain, toxique, empoisonné. Mais je l'aimais quand même, raison pour laquelle je me trouvais ici. Encore une fois. Prête à être insultée, rabaissée, rejetée. Je savais que ça allait arriver. Peut-être que Klaus avait raison ; si j'avais un minimum d'amour propre et de respect pour moi-même, j'aurai lâché l'affaire depuis longtemps.

Mais j'étais là, pour la dernière fois, prête à laisser mon cœur se faire piétiner sous les bottes pleines de rage de Klaus. Juste une dernière fois. Ensuite, j'allais moi aussi fermer mon cœur à double tour. J'avais l'intention de créer un petit tiroir juste pour Klaus et pour l'intensité de ce que je ressentais pour lui, puis j'allais fermer ce tiroir à double tour et le perdre quelque part dans les méandres de mon cerveau.

- Tobias est rentré, dis-je d'une voix douce.

- Je sais, dit-il platement.

J'inspirais un moment, peu certaine de la meilleure façon d'entamer la conversation.

- Je sais, répéta-il, ce qui rend ma présence ici encore moins désirable.

Ainsi, il comptait partir car il ne se sentait pas le bienvenu ? C'était insensé. Si quelqu'un devait partir ici, c'était bien moi. Depuis le début, je n'avais causé que tracas et embêtements à tout le monde. J'étais un monstre. Je faisais fuir tout le monde autour de moi. D'abord Tobias, maintenant Klaus. Je séparais un groupe qui vivait ensemble depuis des décennies, bien avant ma naissance.

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