C'était comme si au moment où Tobias avait fait un pas en avant, il y avait eu comme une sorte de signal silencieux.
Klaus fit un pas en avant lui aussi de façon à se placer devant moi. Pour quoi faire ? Pour me protéger ? De Tobias ? C'était du jamais vu. Si la plupart du temps je n'étais pas sûre de grand-chose, je savais au moins avec certitude que Tobias ne me ferait jamais de mal, contrairement à Klaus, qui depuis des mois, ne s'était pas privé de m'en faire à chaque fois que l'occasion s'était présentée. Tobias était tout bonnement incapable de me faire du mal, même physiquement ; peu importait le degré d'intensité de sa colère, il ne pouvait pas me faire de mal.
C'était pour ça que le réflexe de Klaus me paraissait ridicule, presque risible. En fait, à en juger par l'expression qu'arborait Tobias, c'était peut-être à moi de me mettre devant Klaus, car Tobias semblait prêt à l'écharper à la moindre occasion.
- Il ne se passe rien, répondit Klaus.
D'apparence, il semblait calme : sa voix était contrôlée, ses mots soigneusement choisis, mais ce n'était que de la poudre aux yeux. Ses épaules étaient tendues, et il serrait et desserrait les poings d'une manière presque compulsive.
- Alors tu me dis pourquoi elle a ton odeur ? hurla Tobias en levant les mains en l'air.
Je reculais d'un demi-pas, surprise de l'entendre crier ainsi. Des deux garçons, j'avais toujours pris pour acquis le fait que Klaus était le sanguin, pas l'inverse.
- Tu lui fais peur, arrête, dit Klaus en s'énervant.
Tobias éclata d'un rire froid.
- Alors ça c'est la meilleure, tu t'inquiètes de ce qu'elle peut ressentir maintenant ? Quel hypocrite tu fais, putain !
- Je n'ai pas dit ça, je dis juste que tu lui fais peur. Regarde-la, dit Klaus en me désignant et en me regardant.
Je ne savais pas quelle tête je pouvais faire, mais lorsque Tobias me regarda, il chancela. J'aperçus brièvement mon reflet dans le miroir au-dessus de l'évier : j'étais d'une pâleur effrayante, et des plaques rouges s'épanouissaient sur mon visage. Tobias recula, jusqu'à ce que Klaus estime la distance qui les -nous- séparait sans danger : il cessa alors de me servir de bouclier humain.
- Excuse-moi, marmonna Tobias.
- Ça ne fait rien, dit Klaus froidement.
Tobias releva vivement le regard en l'observant avec haine.
- Je ne parlais pas à toi mais à elle. Arrête de croire que tout tourne autour de toi.
- Ok, ça suffit, dis-je en retrouvant ma voix. Tout le monde se calme. C'est valable pour vous deux.
J'étais consciente que j'étais en train de les gronder comme deux gosses, mais n'était-ce pas ce qu'ils étaient au fond ? Je soupirais en passant la main dans mes cheveux.
- Agnes, est-ce qu'on peut se parler ? demanda Tobias sans me regarder vraiment dans les yeux.
Il regardait derrière mon épaule, comme si affronter mon regard était trop dur.
- Bien sûr.
C'était encore préférable à ce qui pouvait se passer si les garçons restaient dans la même pièce. Je fis un signe de tête à Klaus pour lui signifier de nous laisser seuls. Il obtempéra, à ma grande surprise. Comme quoi, des fois, il pouvait se montrer raisonnable.
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Club Eleven
VampireLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...