Le lendemain matin, je me sentais affreuse.
Les cachets n'avaient pas eu l'effet escompté, et je me sentais fatiguée et irritable.
Je retombais aussitôt dans l'état d'énervement de la veille, me posant mille et une questions sur la façon dont la journée allait se dérouler. Je ne savais pas si je devenais folle, mais tous mes sens étaient en éveil, et même l'air que je respirais me semblait plus lourd, plus électrique, plus mystérieux. Ridicule, encore une fois.
Je constatais qu'un épais brouillard entourait le domaine lorsque j'ouvrais mes volets, et un profond sentiment de claustrophobie s'empara de moi. Un sentiment d'urgence m'envahit ; il fallait que je bouge de là.
Je pris une douche éclair, et entreprit de natter mes cheveux en une couronne au-dessus de ma tête. Le processus prenait pas mal de temps, mais il avait au moins pour effet de m'occuper. Quand je fus enfin coiffée, j'étais plutôt satisfaite de moi-même.
Je savais néanmoins que si ma mère me voyait ainsi, elle désapprouverait. Je portais la coiffure typique des femmes d'ouvriers des années 30. Elle préférait de loin que je porte un chignon élégant ou que je laisse mes cheveux détachés. Mais je n'avais pas l'intention de sortir en ville, et pour ce que je prévoyais de faire aujourd'hui, personne ne risquait de me voir. Et puis de toute manière, j'étais encore libre de me coiffer comme bon me semblait, non ?
Afin d'éviter une confrontation d'ordre capillaire de bon matin, j'empruntais l'escalier qui débouchait derrière la propriété et partit au petit trot en direction des écuries. Le temps était glauque, et l'environnement encore plus silencieux que la veille au matin, ce qui me rendais mal à l'aise. Je m'étais habillée encore plus chaudement que la veille : j'avais enfilé un collant sous mon pantalon d'équitation, et au moins trois couches sur le haut de mon corps entre le sous-pull, le pull et ma veste. Sans oublier les gants et les caches-oreilles.
En pénétrant dans l'écurie, je ne ressentis pas l'habituel soulagement ni la plénitude que je ressentais en temps normal. J'étais tellement à côté de la plaque que je ne vis qu'à la dernière seconde que Tomas était là, en train de seller son cheval.
- Salut Agnes, me dit-il avec un grand sourire.
Il pencha la tête vers moi et fronça les sourcils.
- Tu vas bien ?
Sa voix avait pris un ton inquiet. Avais-je l'air si paumée que ça ?
- Oui, ça va, ça va.
Je détournais la tête et me dirigeais vers le box de Lillemör. Nous étions une dizaine de cavaliers propriétaires à nous partager l'écurie. Malgré les vacances d'hiver, il y a avait peu de monde, ce jour-là. La neige était bien trop épaisse pour permettre aux cavaliers habitant plus loin d'effectuer le trajet en voiture. Tomas n'habitait pas très loin, lui.
- Tu pars en ballade ? me demanda-il au loin.
Je marmonnais une vague réponse et soudain il était derrière moi, les avant-bras appuyés sur la porte du box. Il me regardait m'affairer, un petit sourire aux lèvres. Tomas avait mon âge, mais il faisait un peu plus jeune. Sur son visage on distinguait encore les rondeurs de l'enfance s'attarder dans les joues. Mais à part cela, il était plutôt ... beau. Ses yeux étaient d'un bleu vif, donnant l'impression que rien ne pouvait lui échapper, et ses cheveux étaient tellement blonds qu'ils paraissaient blancs, comme si ces derniers avaient été brûlés par le sel.
- Et toi, tu vas faire quoi avec Pilgrim ?
Pilgrim était le cheval de Tomas. C'était un véritable plaisir de le monter, c'était une bonne patte comme on disait dans le jargon et j'avais eu l'occasion de le monter à plusieurs reprises, car j'avais pour règle de ne jamais m'habituer à monter un seul et même cheval. Si j'avais pu, j'aurai proposé à Tomas de monter Lillemör, mais cette dernière était bien trop teigneuse pour être montée par quelqu'un d'autre que moi, y compris par un cavalier au niveau aussi excellent que Tomas.
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Club Eleven
VampireLa vie d'Agnes Wallenberg est orchestrée comme du papier à musique. Issue de l'aristocratie suédoise, aux valeurs, aux croyances, et aux règles strictes, elle n'a jamais fait de vagues. L'année de son dix-septième anniversaire, elle apprend la vérit...