~ Chapitre 30

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Après cet épisode fâcheux, j'ai tout simplement cessé de parler à Tobias.

Les semaines ont repris leur course monotone et fade, laissant le sablier du temps s'écouler, encore et encore. J'avais décidé de ne plus lui adresser la parole. Pour le moment. J'avais tout simplement besoin de prendre mes distances avec ce garçon. Qui était-il pour me parler de la sorte ? Qu'avais-je fais de si horrible pour le décevoir ?

J'étais parvenue à la conclusion que, d'une façon ou d'une autre, il avait appris ce qui s'était réellement passé entre Klaus et moi, et que le sentiment qu'il ressentait avant tout mais qu'il n'osait pas admettre était la jalousie. Oui, Tobias était jaloux, et c'était tout.

Ce constat me gênait profondément. D'une part car j'étais mortifiée qu'il connaisse les détails de ma relation avec Klaus, et d'une autre part car si il éprouvait de la jalousie, cela signifiait qu'une part de lui souhaitait être à la place de Klaus. Se pouvait-il que Tobias ressente plus que de l'amitié envers moi ? Si tel était le cas, je me retrouvais malgré moi dans une position des plus inconfortables. Une part de moi se sentait étroitement liée à Tobias pour des raisons que j'ignorais toujours, mais mon corps appartenait à Klaus.

Ce dernier avait par ailleurs adopté la même attitude envers moi qu'à mon arrivée ici : l'indifférence. Je savais qu'il n'allait pas assumer ce qui s'était passé entre nous, mais tout de même ... Cela me faisait mal.

Alors voilà que je me retrouvais de nouveau à la case départ, seule avec mes réflexions, tâchant de m'occuper comme je pouvais. La solitude me suivait partout, telle une vieille amie, et j'avais le sentiment de ne jamais avoir été aussi seule de toute ma vie.

Je commençais à mal dormir, et mes songes étaient peuplés de rêves étranges et déplaisants. Bien que j'étais libre de me promener dans la demeure comme bon me semblais, je me cantonais à la cuisine et à la bibliothèque, et ne mangeais que quand la faim me tenaillait réellement.

Je perdais du poids au fil des semaines, et mes cernes se creusaient, tandis que mon teint devenait cireux. C'était comme si mon corps m'abandonnaient au fil du temps et comme si, loin des garçons, il dépérissait.

Je ne me souvenais pas de la dernière fois dans ma vie où j'avais pu me sentir aussi déprimée. J'étais constamment au bord des larmes, et je ne faisais plus rien pour soigner mon apparence. C'était comme si j'étais un peu morte chaque jour.

Je me souviens d'une fois au petit-déjeuner, où je m'étais retrouvée seule avec Klaus. Il avait repris l'habitude de m'ignorer avec superbe, et regardait partout sauf dans ma direction. Vexée, j'avais alors demandé d'une voix claire comme de l'eau de roche :

- Est-ce que tu comptes m'ignorer jusqu'à la fin des temps ?

- Je ne crois pas que tu saisisses bien la notion de « fin des temps ». Crois-moi, je m'y connais mieux que toi en termes d'éternité, avait-il dit d'une voix plate dénuée de toute ironie.

- Très drôle. Tu réponds à ma question ?

- Je te réponds.

Agacée, et prise à la fois d'une pulsion pleine de colère mais aussi désespérée d'un contact avec lui, j'avais agrippé son poignet pour le forcer à me regarder. Il avait sursauté et s'était dégagé de ma prise, comme si je le débectais.

- Ne me touche pas, cracha-il.

- Pourquoi, je suis vénéneuse ? avais-je demandé avec des sanglots sans larmes dans la voix.

Et notre dernier échange s'était arrêté là.

Pour Tobias, c'était pire. Je m'étais rendue dans la bibliothèque dans l'espoir d'y trouver une sorte de réconfort à travers les livres et la quiétude de la pièce. Lorsque j'y avais trouvé Tobias, je m'étais figée, avant de choisir le siège le plus éloigné du sien.

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