~ Chapitre 51

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Au lieu de me fixer avec stupéfaction face à ma demande comme je l'aurai cru, Lune fronçait les sourcils avec une moue suspicieuse.

- Te transformer ? Toi ? En vampire ?

Je hochais la tête pour affirmer. Je n'osais cependant pas me retourner vers Tobias. Je savais déjà ce qu'il devait penser de ma requête. Il allait être totalement contre, et allait se battre contre moi. Quand l'affrontement entre lui et moi arriverait, je serais prête. Car c'était inévitable.

Tobias considérait sa condition de vampire comme une malédiction ; il pensait être maudit. J'étais à peu près certaine que Lune le vivait à peu près de la même façon. Après autant de siècles à fouler le sol de cette Terre, je pouvais comprendre sa lassitude.

Mais moi, c'était différent. J'étais prisonnière de Klaus et Tobias, malgré moi, malgré eux. C'était la meilleure option qui s'offrait à nous. Peut-être qu'une fois transformée et assoiffée, cette obsession allait disparaître. Peut-être que nous y verrions plus clair.

D'accord, ce n'était pas sûr, mais c'était la seule chose à faire. Je ne m'imaginais pas vampire, mais cela ne m'inquiétais pas outre mesure ; je ne m'étais jamais imaginée sur les bancs de la fac, à vivre la vie de tout le monde, alors non, je n'étais pas inquiète à l'idée de devenir vampire, même si je ne me voyais pas ainsi.

- Est-ce que tu es bien sûre de ce que tu es en train de me demander Agnes ? Ce n'est pas une demande anodine.

Le timbre de sa voix me rassura. Elle me prenait au sérieux, et j'avais peur que ce ne soit pas le cas, et qu'elle considère mon idée comme le caprice d'une gamine.

- Je sais ce que je suis en train de demander, dis-je d'une voix blanche.

Lune se tourna vers Tobias pour lui lancer un regard perplexe. En fait, peut-être ne me prenait-elle pas autant au sérieux que je le pensais. Elle semblait plutôt remettre en doute mes capacités mentales.

- Personne n'a rien proposé de mieux jusqu'à présent ! dis-je avec colère.

Lune ne répondit pas.

- Je suis désolée, mais je ne peux pas, je ne peux plus, continuais-je. Cette situation ne me convient pas. Et elle ne convient à personne, ni à moi, ni à Tobias, ni à Klaus. J'ai réussi à les faire fuir l'un après l'autre, je fais fuir tout le monde et après je me retrouve seule avec cette culpabilité qui me ronge. Je ne m'appartiens même plus. Je ne suis même plus moi-même.

Je regardais le sol et soufflais en répétant :

- Je ne suis même plus moi-même.

- Agnes, si tu deviens un vampire, il n'y a pas de retour en arrière. Une fois contaminée, une fois que tu auras le virus du vampirisme dans ton corps, tu ne pourras pas changer d'avis. Tu ne vieilliras plus, tu resteras figée, avec cette soif constante. Le monde autour de toi changera, évoluera, alors que toi, tu resteras toujours comme ça, dit Lune. Sans perspective d'évoluer. Tous les gens que tu connaissais, ou que tu connaitras, mourrons avant toi. Tu les verras mourir de loin sans pouvoir faire quoi que ce soit pour eux. C'est un sacrifice énorme. Tout le monde ne le supporte pas. Certains vampires d'âges mûrs finissent eux-mêmes par exploser, par disjoncter tellement c'est difficile. Cette vie ne convient pas à tout le monde.

- Je n'ai pas de famille, dis-je d'une voix blanche.

Pas de famille, pas d'amis, rien du tout. Même plus de cheval. J'étais définitivement seule. Les seules personnes qui partageaient ma vie maintenant étaient des vampires, et je n'étais pas comme eux. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'un jour un accident ne surgisse et que je finisse morte, raide et pâle, tandis que l'un d'entre eux devrait vivre avec la culpabilité de m'avoir ôté la vie.

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