~ Chapitre 9

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Lorsque j'ouvrais enfin les yeux, j'ignorais complètement quelle heure il était. Tout sauf le temps écoulé en tout cas. L'espace d'un court instant, je me demandais si les heures précédentes n'avaient pas été en réalité un songe grotesque, mais en constatant ma présence dans ce lit haut et immense, je compris que tout ça avait bel et bien eu lieu.

J'avais l'impression que mon corps pesait une tonne, probablement parce que je n'avais pas bougé tout le temps où j'avais dormi, et c'est chancelante que je tirai les rideaux en velours. Le soleil était déjà bien haut dans le ciel clairsemé de nuages, poursuivant sa folle course.

J'avais dormi longtemps, et mon estomac ne manqua pas de me le rappeler en gargouillant furieusement. Je me rendais alors compte que j'étais encore vêtue de ma lourde cape, et que je n'avais aucun vêtement à me mettre sur le dos. Cette constatation me plongea dans un état d'angoisse silencieuse.

Prenant une profonde inspiration, je me décidais à pousser la porte de ma chambre. Il fallait que je mange quelque chose, mais j'étais toujours aussi mal à l'aise à l'idée de me balader seule dans une demeure qui n'était pas la mienne. Surtout vêtue ainsi.

Tout en marchant silencieusement dans le petit couloir qui me mènerait au rez-de-chaussée, je ne pus m'empêcher de me demander à quoi mes parents pouvaient bien occuper leur matinée. Leur manquais-je ? Etaient-ils en train de poursuivre leur vie sans penser à moi ? Etais-je devenue un souvenir pour eux ?

Bizarrement, cette pensée me mit les larmes aux yeux tout en provoquant chez moi une profonde colère. Je décidais de chasser ces pensées inopportunes, et de fermer à clé ce tiroir tout en balançant la clé dans un coin de mon cerveau.

J'étais un peu perdue et j'avais du mal à me repérer dans cet endroit, car je n'avais pas encore visité. Malgré tout, mon instinct me dicta une fois arrivée en bas de continuer le long du couloir. Si cet endroit était ancien, il était sûrement conçu comme toutes les habitations, avec une cuisine quelque part.

En entrant dans la cuisine, je fus soulagée, car personne ne s'y trouvait –je n'étais pas prête à prendre un petit-déjeuner avec les occupants de cet endroit-, et en même temps j'étais toujours gênée à l'idée de me servir alors que je n'étais pas chez moi.

En approchant de la machine à café ultramoderne, je constatais que le café avait déjà été préparé, et qu'il était fumant. Je me figeais, car cela signifiait que quelqu'un était passé par là quelques minutes auparavant, et qu'il devait encore se trouver dans les parages. Jolie déduction, Einstein.

Une partie de moi priait pour qu'il s'agisse de Klaus, l'Adonis qui m'avait tant perturbé, mais une autre partie de moi ne souhaitait pas revoir son regard hostile et priait plutôt pour qu'il s'agisse du bienveillant Tobias.

En tâchant de faire le moins de bruit possible, je me servis une tasse de café noir. Je n'osais pas ouvrir le frigo pour y prendre du lait et encore moins farfouiller dans les placards pour trouver du sucre. Je me contentais donc de boire mon breuvage d'un noir d'encre à petits traits. J'osais à peine respirer, de peur qu'on m'entende.

Je manquais de m'étouffer avec ma gorgée lorsqu'une jeune adolescente entra dans la pièce d'un pas guilleret. Il ne s'agissait pas de Lune, mais d'une autre. Combien de personnes vivent ici ? Elle s'arrêta net en me voyant, probablement aussi choquée que moi. Néanmoins, elle se ressaisit rapidement et m'adressa un sourire d'une blancheur éclatante, alors que moi, c'était mon visage qui devait être blanc.

- Bonjour, dit-elle de bonne humeur. Je ne m'attendais pas à te voir debout maintenant. Je pensais que tu te lèverais plus tard.

Elle était donc au courant de ma présence ici. Elle ouvrit les placards à la recherche de je ne sais quoi, puis finit par jeter son dévolu sur une boite de muesli. Puis elle s'approcha de moi et me tendit la main tout en carrant les épaules.

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