~ Chapitre 20

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Deux jours.

Cela faisait deux jours que j'étais dans ma chambre, et que je n'étais pas sortie une seule fois. Je survivais en buvant l'eau du robinet de ma salle de bain, et les gâteaux que j'avais stocké dans un tiroir de ma chambre, comme je le faisais dans mon ancien chez-moi.

J'avais juste pris la peine 48h auparavant de me changer en enfilant un survêtement, mais sinon je ne m'étais pas lavée ni coiffée. Pour quoi faire de toute façon ?

Au début, Tobias était resté devant la porte de ma chambre avec une telle obsession et une telle obstination que dans d'autres circonstances, j'aurais peut-être trouvé ça drôle. Il suppliait, plaidait sa cause, ne demandait qu'un droit de parole, et il avait sûrement dit plein d'autres choses, mais je n'avais pas eu le cœur d'écouter. Et de toute façon, je n'étais pas en capacité de le faire.

Au bout d'un moment, j'avais entendu les talons aiguilles de Lune crisser sur le bois, et je m'étais figée. Mais elle avait juste demandée à Tobias de me laisser du temps seule et elle lui avait ordonné de cesser de faire le pied de grue devant la porte de ma chambre.

Le silence c'était fait pendant un moment, et j'avais décidé d'occuper mon esprit embrouillé en lisant. Ironie du destin ou message caché à mon intention, ma bibliothèque contenait un ouvrage sur les vampires. J'avais grimacé, puis frissonné en lisant le titre, puis je m'étais installée près de la cheminée qui ne dégageait plus de flammes pour le lire.

Les termes « créatures légendaires », « au-delà » et « sang », étaient ceux qui m'avaient le plus marqués. Celui de « mort-vivant » n'avait pas manqué non plus de me terrifier. J'avais beau lire et relire, en tentant de comprendre doucement, cela me paraissait toujours aussi invraisemblable.

J'avais aussi beaucoup sommeillé dans mon lit en comatant devant la télé, et j'avais fini par tomber sur une chaîne qui diffusait des vieux films en version originale. J'avais eu envie à la fois de pleurer de rire et de pleurer tout court en constatant que la chaîne diffusait Entretien avec un vampire. J'avais commencé à le regarder avec un œil nouveau.

Petite, j'adorais ce film, et j'avais secrètement le béguin pour Brad Pitt. Mais au fil des images, j'avais commencé à interpréter l'histoire différemment, et un profond sentiment de malaise m'avait envahi, jusqu'à ce que j'éteigne la télé. J'étais désormais incapable de regarder ce film.

J'aurai dû ressentir principalement de la peur. Mon cerveau me soufflait que c'était ce que j'étais censée ressentir. Mais bizarrement, le sentiment qui me dominait à l'heure actuelle était la colère. Je n'étais pas du tout censé ressentir cela, mais j'étais en fait tellement en colère que mon sang bouillonnait dans mes veines.

J'étais terriblement en colère après Tobias. Il était la personne dont j'étais la plus proche sous ce toit. Il était la personne qui m'avait manifesté le plus d'attention, et il était la personne en qui j'avais le plus confiance. Depuis mon arrivée ici, une partie de ma vie s'était réduite à lui. Il avait gagné une place spéciale dans mon cœur en me permettant de voir Lillemör une dernière fois, il s'était fait une place particulière que très peu de personnes avaient eu l'opportunité d'occuper, et il avait tout détruit en une fraction de seconde en me mentant.

En me cachant la terrible vérité, jour après jour, il n'avait fait que davantage creuser sa tombe, jusqu'à totalement me décevoir. Je n'étais même pas en colère après Klaus ; le jeune homme m'avait semblé fidèle à lui-même –en tout cas du peu que je connaissais de lui- en révélant les choses ainsi.

Je me sentais juste bafouée, et j'avais le sentiment d'être la plus grande idiote au monde. C'était comme si l'ancienne petit Agnes était remontée à la surface, et j'avais l'impression d'être une petite fille de cinq ans, idiote et naïve, découvrant la vie.

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