~ Chapitre 47

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- S'il te plait, s'il te plait, s'il te plaiiiiiiiiit !

Teodora me suppliait depuis vingt bonnes minutes, et je n'avais toujours pas bougé d'un pouce.

Plongée dans la relecture d'un de mes romans favoris - Guerre et Paix de Tolstoï-, je ne prenais même pas la peine de la regarder.

J'étais focalisée sur mon livre depuis trois jours, et j'avais à peine bougé du moelleux canapé dominant le salon, où un agréable grand feu de cheminée crépitait.

Je m'étais contentée de faire la navette entre la salle de bain, les toilettes, la cuisine, et ledit fauteuil. Je n'avais rien fait d'autre. Je me sentais incapable de retourner dans ma chambre depuis que cette dernière avait été le lieu de ma convalescence après avoir échappé de peu à la mort.

C'était bizarre, j'en étais consciente, mais désormais lorsque je m'y retrouvais, une désagréable sensation de malaise me nouait le ventre. J'avais fait donc du salon ma nouvelle chambre, et tant pis pour les regards peu amènes que me lançait Lune.

Lorsqu'elle avait su ce qui m'était arrivée, elle n'avait pas cherché une seconde à savoir comment je vivais tout ça. Elle s'était retranchée dans son grenier, comme un vampire digne de ce nom, et le peu d'échanges que nous avions eu tenaient plus au babillage sur la pluie et le beau temps plutôt qu'à une réelle conversation.

Teodora arracha mon livre des mains et le posa à plat sur la table basse, abîmant au passage la reliure. Je poussais un grognement agacé, à la fois pour le livre, mais aussi pour son comportement plus que puéril.

Teodora, la fille qui était capable de me sauver en me transfusant était aussi la fille qui faisait des caprices pour un oui ou pour un non.

- Bon, qu'est-ce que tu veux à la fin ?

- Que tu quittes ce canapé, premièrement, et que tu sortes avec moi.

Je grimaçais.

Je ne voulais pas sortir. Je ne voulais pas parler non plus. Tout ce que je souhaitais, c'était qu'on me fiche la paix. Qu'on me laisse broyer du noir. Mais Teodora ne semblait pas prête à respecter cela.

- Je ne veux pas. Laisse-moi tranquille, marmonnais-je comme une adolescente mal lunée, ce que j'étais au final.

Teodora soupira. Elle, bien entendu, n'avait pas le moral dans les chaussettes ; sa petite vie soigneusement organisée n'avait pas réellement changé, et Lune était toujours auprès d'elle, malgré l'étrangeté de leur relation. Ce n'était pas elle qui devait se regarder dans le miroir tous les jours en observant le poids de ses erreurs et de son indécision.

- Tu es nulle, chouina Teodora.

Je me retournais à moitié vers elle, fâchée pour de bon. Pour le coup, je la trouvais plutôt égoïste.

- Nulle ? répétais-je. Excuse-moi de ne pas avoir la tête à m'amuser, Teodora. Ma vie part dans tous les sens, et je suis en train de faire fuir tout le monde autour de moi sans savoir quoi faire pour les retenir, ou pour qu'ils reviennent. Ma vie est un véritable chaos, et je ne sais même pas à quel moment cela a bien pu arriver, alors excuse-moi de ne pas avoir envie de m'habiller convenablement pour consommer de l'alcool.

J'avais parlé tellement vite que l'air me manquait, et je m'affalais contre l'oreiller, à bout de souffle.

- Ils reviendront, me coupa une voix.

Lune me tournait le dos, et se servait un grand verre d'alcool brun. Je ne l'avais même pas entendu arriver. Elle portait une robe noire transparente au niveau des bras et du bas des jambes, si vaporeuse qu'on voyait à peine ses pieds nus. Une tresse négligemment réalisée se balançait dans son dos.

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