~ Chapitre 49

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- Echec et mat, annonça Tobias avec un calme olympien.

Agacée, je laissais tomber mon roi en signe de reddition.

- D'accord, soupirais-je, ça commence à m'énerver. On arrête.

Tobias rigola et leva les mains devant lui, acceptant ma requête.

- J'ai plus de décennies d'entraînement que toi, il ne faut pas le prendre mal, continua-il de rigoler.

Je l'ignorais, me levais de mon siège et quittais la bibliothèque en silence. Ce n'était pas sa faute si je n'avais aucun sens de l'humour et si ses tentatives vouées à me remonter le moral échouaient lamentablement. Ce n'était pas de la faute de Tobias si depuis deux semaines je vivais dans l'attente du retour de Klaus, veillant près de la porte, attendant le bruit familier de ces bottes foulant le parquet. Ce n'était de la faute de personne si ma déprime s'accentuait, me donnant le sentiment constant de me noyer sans jamais réussir à atteindre la surface. Plus dure, plus longue était la chute, moins j'arrivais à trouver la forcer de me relever.

Je m'installais dans le salon et m'emmitoufflais dans le canapé, ma chambre n'étant plus qu'une coquille vide que j'utilisais uniquement pour me laver et me changer. Je grapillais sans vraiment en avoir envie deux chokladfarn, des galettes suédoises au chocolat que Teodora avait fait deux jours auparavant et les mangeais sans réel appétit, étant donné que j'avais l'impression de manger du carton et que le morceau grossissait dans ma bouche.

Combien de temps la douleur allait-elle durer ?

J'avais l'impression de souffrir d'une peine de cœur, ce qui était risible ; Klaus et moi avions été aussi prêts d'avoir une relation l'un avec l'autre que de voir Lune rire aux éclats. Et pourtant, c'était ce que je ressentais : un vide, un mal au cœur qui ne diminuait ni ne disparaissait au fil des jours.

- Tu aurais pu ranger, grogna Tobias en s'asseyant à côté de moi.

- J'aurai pu, en effet, dis-je avec ironie.

Sans relever ma remarque, Tobias me colla contre lui. Il n'y avait rien d'ambigu dans ce geste, c'était seulement une habitude que nous avions prise au fil des jours. Je sentais son souffle sur mon crâne, et devinais que bien que son menton soit posé au sommet de ma tête, il essayait de me regarder.

- A quoi tu penses ? demanda-il.

Je me figeais. Si je répondais « Klaus », comment allait-il le prendre ? D'un côté, il savait probablement ce qui occupais mes pensées. Comme je ne répondais pas, Tobias soupira.

- J'aimerai te dire qu'il va rentrer incessamment sous peu, mais ce serait mentir.

Je me tournais vers lui, enfouissant mon visage contre son torse.

- Ça ne te gênes pas que je pense à lui ? demandais-je, étonnée.

- Franchement, c'est sûr que je préfèrerai que tu penses à autre chose. Ou à quelqu'un d'autre en l'occurrence. Mais je t'ai promis de ne plus te faire de peine, alors je fais des efforts.

- Tu sais que je suis contente que tu sois là.

Il soupira.

- Oui, et j'aimerai que ça suffise.

- Mais ça ne suffit pas, soufflais-je.

- Non, dit-il sur le même ton, ça ne suffit pas.

***

Un bruit de porte qu'on claque me réveilla soudainement. Désorientée, je me levais du canapé, et constatais que j'évoluais dans la quasi obscurité, la dernière bûche de la cheminée s'étant transformée en petit tas de cendres.

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