~ Libre Deux - Chapitre 22

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J'ai l'impression que pour la millième fois depuis que je suis arrivée dans cette maison, je me précipite dans ma chambre en larmes, complètement perdue.

J'ai piqué un peignoir dans la chambre de Klaus, et, encore trempée de ma douche, je me jette sur mon lit, en proie à un chagrin tellement puissant que je suffoque.

Une partie de moi est malgré tout fière d'avoir tenu tête à Klaus. Quitter cette douche s'est avéré plus facile que ce que je pensais, même si ça ne me fait pas me sentir mieux pour autant.

J'ai l'impression d'être de ces adolescentes stupides qui se jettent sur leur lit après avoir rompu avec leur petit copain.

Sans que je m'y attende, je sens une main se poser sur mon épaule et je me tends. Je ne veux voir personne. Je n'ai besoin de personne. Moi et mon chagrin, c'est déjà bien assez.

- Agnes, s'il te plait, me supplie doucement une voix.

Je me hérisse en constatant qu'il s'agit de Klaus. Non ne me touche pas, je t'en prie.

Sa place n'est pas ici avec moi. Il n'a rien à faire ici. Mon cœur brisé ne peut pas en supporter davantage.

Je me retourne néanmoins, et lui découvre un air tourmenté, presque ... mal à l'aise ? Je n'en suis pas sûre, car tout est flou à cause de ma crise de larmes.

- Dégage, je marmonne en hoquetant de la façon la moins digne qui soit.

Il soupire, pose la main sur mon peignoir, et pendant une horrible seconde je songe qu'il va me l'enlever, mais il se contente de le resserrer.

Puis, faisant fi de mes protestations, il me prend contre lui, et me colle contre son torse. J'ai l'impression d'être une petite fille de nouveau.

- Je ne te laisse pas, dit Klaus d'une voix dure. Tu es peut-être la première à penser que je suis un monstre, mais ce n'est pas le cas. Enfin, pas totalement.

- Je ne pense pas que tu sois un monstre, je bougonne contre son t-shirt à l'odeur enivrante. Tout ce que je te demande, c'est de cesser de me repousser à tout bout de champ.

- J'essaye ...

C'est à son tour de bougonner.

- Seulement, ce n'est pas facile, continue-il. Je suis tellement habitué à mon mode de fonctionnement ... Mais quand je te vois dans cet état, à cause de moi ... Ça me met à l'aise.

C'est bien ce que je pensais. Klaus est tellement habitué à blesser les gens sans songer aux conséquences qu'il ne sait pas comment agir quand il se rend compte qu'il est réellement méchant.

- Je suis désolé d'être une mauvaise personne, dit-il. Enfin, pas une mauvaise personne, vraiment, mais d'être aussi nul. Et quand je te vois, toi, aussi forte et toujours prête à pardonner mes conneries ... je n'étais pas du tout comme ça à ton âge.

Je me redresse. Klaus est toujours si peu enclin à se livrer sur son passé que je saisis la perche qu'il me tend.

- Tu étais comment ?

Il soupire.

- J'étais un fils un papa. Je venais d'une famille qui avait de l'argent, et du pouvoir. Je ne savais pas ce que c'était que de se battre pour obtenir quelque chose, de travailler pour subvenir à ses propres besoins. J'avais tout, et je suis devenu gâté. Avec le temps, probablement par ennui, j'ai commencé à m'associer aux mauvaises personnes.

- Des vampires, je chuchote.

Il hoche la tête gravement.

- Au début, ça me faisait vibrer d'être dans la confidence. Même mon père ne connaissait pas l'existence des vampires, et je me sentais tout puissant à l'idée de connaître quelque chose qu'il ignorait. Mais au fil du temps, comme pour tout, je me suis lassé. Ça n'apportait pas grand chose à ma vie que de côtoyer de tels individus, alors j'ai commis une erreur.

Il fronce les sourcils et je demande doucement :

- Laquelle ?

- Je les ai fait chanter. Je les ai menacé de révéler leur véritable nature si ils ne me donnaient pas une grosse somme d'argent.

- Mais pourquoi ? Tu avais déjà bien plus d'argent qu'il ne t'en fallait si j'ai bien compris. Pourquoi en vouloir toujours plus ?

- Premièrement, parce que j'étais un sale gosse prétentieux et imbus de sa personne. Je le suis toujours d'ailleurs, ajoute-il en ricanant. Et ensuite, car il me fallait de l'argent pour m'enfuir.

- Tu voulais t'enfuir ?!

Je suis abasourdie.

- Oui. Je voulais recommencer ma vie loin de mon père et de son regard accusateur qui me faisait comprendre à chaque instant que c'était uniquement grâce à lui que j'étais bien lotti. D'accord, c'était la vérité, mais je haïssais ce regard. Je ne savais pas trop ce que j'allais faire de ma nouvelle vie, mais avec la somme que j'exigeais, ça me laissait largement le temps de réfléchir à quoi faire de ma vie.

- Mais ça ne s'est pas passé comme prévu, je poursuis.

- Quelle petite maligne, dit-il avec ironie. Non, ça ne s'est pas passé comme prévu. J'ai sous-estimé mes adversaires, comme le parfait petit idiot que j'étais, et ils m'ont transformé pour que je garde ma langue dans ma poche.

Un petit silence s'installe.

- Voilà. Tu connais le plus gros de l'histoire.

- Merci de me l'avoir dit, je dis, pensive.

- Si à ton âge j'avais été plus bienveillant, plus à l'écoute et moins à me regarder le nombril, je n'en serai peut-être pas là aujourd'hui.

- C'est-à-dire ? Où en es-tu aujourd'hui ?

- Nulle part. Je suis complètement perdu. Par toi, notamment. J'aimerai être proche de toi, mais je ne sais pas comment faire. Ce côté là de mon humanité est comme ... éteint. Je ne sais pas comment gérer ces ... émotions que tu réveilles chez moi.

- Je sais que c'est difficile. Ça l'est pour moi aussi. J'ai tellement envie de te montrer tout le temps que je tiens à toi, mais tu me blesses en me repoussant à tout bout de champ.

- Je ne connais que ça, dit-il tristement.

- Je sais, mais on peut travailler là-dessus. Je ne te demandes pas des promesses d'amour éternel et une bague, juste que tu me témoignes un peu plus de respect.

- De res ... quoi ?

Je rigole et il s'esclaffe avec moi. Puis je redeviens sérieuse.

- Il va falloir qu'on se sépare, je dis d'une voix triste.

Il hoche la tête, ses grands yeux bleus me fixent et à cet instant nous sommes sur la même longueur d'onde.

- Agnes, je ... tu ...

Je le coupe en écrasant mes lèvres sur les siennes. Pour la première fois, notre baiser est doux et tendre. La situation s'est totalement inversé. En l'espace de quelques minutes, le poids de ma poitrine s'est totalement dissout, ne laissant la place qu'à de l'amour.

Malgré notre doux baiser, Klaus est hors d'haleine quand il rompt notre échange.

- Est-ce qu'on doit se dire adieu ? souffle-il.

Je secoue la tête avec un petit sourire, me lève, resserre la prise du peignoir autour de mon corps et je me prépare mentalement à dire à voix haute ce que je m'apprête à faire.

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