~ Chapitre 34

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Pour la première fois de mon existence, toutes mes émotions semblaient être au diapason en même temps.

D'un côté de mon épaule, il y avait un petit ange, qui avait envie de protéger mon ancienne camarade de classe de ce qui allait inexorablement se produire si je n'intervenais pas. Je ne voulais pas avoir le sang d'une innocente entre mes mains. J'avais le pouvoir de faire quelque chose contre cette catastrophe, et même si je ne savais pas encore comment je pouvais agir, je savais que j'avais le pouvoir d'agir, ce qui constituait en soi un début.

Sur mon autre épaule, un petit démon s'agaçait des grands sourires d'idiotes de Lisbet, apparemment déjà sous le charme de Klaus sans que ce dernier ne fasse quoi que ce soit. Il me murmurait que si quelques gouttes de son sang éclaboussaient le sol, ce n'était pas si grave, et qu'elle le méritait.

Et enfin, un profond sentiment de peur, malgré tout minime par rapport à tout ce que je pouvais ressentir en cet instant, me forçait à agir, car j'avais peur d'assister à une scène qui pourrait à tout jamais me traumatiser.

Même si j'avais parfaitement intégrée que mes colocataires étaient des vampires, et que cette constatation m'inspirait dorénavant plus de questions que de répugnance, je savais que je n'étais pas prête à les voir sous leur vrai jour, à savoir se nourrir de sang frais.

Teodora, lassée d'être assise au bar, parvint à nous dénicher une place dans une alcôve discrète, où nous nous installâmes tous les quatre. Je tentais de m'assoir à une place stratégique, mais Lisbet me devança, comme si elle avait un ressort intégré, et prit place à côté de Klaus. D'un mouvement aguicheur, elle dégagea ses cheveux sur le côté de son épaule, inconsciente de la stupidité de son geste. Sa gorge était désormais accessible, et bien que la pénombre fut importante, je distinguais sans aucun soucis le regard de Klaus vers cette partie de l'anatomie de Lisbet.

J'ignorais encore des tas de choses sur le vampirisme, et je ne savais pas si Klaus pouvait se contrôler. Il n'allait tout de même pas se nourrir d'elle, là, devant tout le monde ? Je priais pour qu'il soit capable de réfréner ses ardeurs, et même de se stopper tout court.

J'avais l'impression d'être spectatrice, passive, et que je ne pouvais strictement rien faire. Le sentiment d'impuissance était tel que j'avais plus de mal à respirer. Ça n'avait plus rien à voir avec une quelconque jalousie. Je voulais juste protéger Lisbet d'un vampire, et j'ignorais si Teodora avait compris ce qui se passait. Assise au bout du canapé avec Teodora à ma gauche, je me penchais vers elle.

- Teodora ... commençais-je à voix basse.

Mais elle me coupa en posant sa main sur mon genou.

- Chut, je sais très bien ce qui se passe, dit-elle en murmurant et en parlant à un débit très rapide. Ça n'arrivera pas, ne t'en fais pas. Klaus aime bien s'amuser.

Ce qu'elle venait de dire me rassura quelque peu, même si je n'étais pas certaine du sens de sa phrase. Qu'est-ce que cela signifiait ? Que Klaus n'avait pas l'intention de se nourrir d'elle ? Qu'entendait-elle quand elle disait que Klaus aimait jouer ?

- Je reviens, dit Klaus en se levant élégamment. Je vais chercher à boire.

Lisbet cligna des yeux telle une biche pour toute réponse, et, en silence, je me levais pour le suivre. Je savais que d'une seconde à l'autre, il allait me faire une réflexion désobligeante quant à ma présence à ses côtés, mais c'était pour le moment le seul moyen que j'avais trouvé pour essayer de lui parler.

Bien évidemment, ça ne manqua pas, et après quelques secondes de marche, une fois que notre table fut hors de notre vue, il s'arrêta brutalement, et je butais contre son dos. Il se retourna et me toisa méchamment, comme à son habitude.

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