L'erreur.

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Le soir approchait. Bellatrix observait le soleil disparaître peu à peu à l'horizon, impuissante. Elle jetait des regards nerveux à l'horloge dont les aiguilles semblaient avancer à une vitesse fulgurante. La sorcière n'avait toujours pas trouvé de solution pour s'échapper de sa prison dorée. La peur avait saisi son ventre et grandissait en elle comme une plante qui grimpait le long de ses entrailles. Qu'allait-elle faire si elle ne parvenait pas à rejoindre son Maître à temps ? Jamais il ne la laisserait rejoindre ses rangs si elle ne s'en montrait pas digne. Elle voulait hurler sa colère dans l'espoir qu'il l'entende et qu'il comprenne sa détresse. Elle aurait aimé qu'il la rejoigne, qu'il fasse exploser le manoir entier et que tous deux s'échappent et partent à la conquête du monde. Elle désirait ardemment être à ses côtés, pour toujours, car là était sa place véritable. Pas ici, au manoir, et encore moins avec Rodulphus. Elle était faite pour se battre, et on l'en empêchait injustement. Si elle expliquait à ses parents qu'elle œuvrait pour le plus grand bien, peut-être comprendraient-ils, peut-être la laisseraient-ils s'entraîner avec le Seigneur des Ténèbres. Mais elle avait juré que son apprentissage demeurerait secret, et jamais elle ne trahirait sa parole. Jamais elle ne trahirait le Maître. Elle le servirait jusqu'à sa mort.
Du moins, s'il l'en jugeait capable. Or, ce qui risquait d'arriver si elle ne parvenait pas à le rejoindre serait à l'exact opposé de ce que Bellatrix souhaitait. Il ne voudrait plus d'elle, plus jamais. Elle ne serait jamais mangemort, elle deviendrait ce qu'elle avait toujours redouté d'être : une simple femme au foyer.

Assise sur le parquet de sa chambre, seule dans la pénombre, Bellatrix se mordait les lèvres jusqu'au sang. Il lui fallait un moyen de s'échapper, à tout prix, mais lequel ?
Soudain, son regard s'illumina. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ? Elle se trouvait si stupide, si peu dégourdie. Il était déjà minuit moins cinq, elle n'avait que très peu de temps désormais. Dans un murmure, elle prononça le nom de son elfe de maison. Celui-ci apparu immédiatement devant elle. Un sourire malicieux prit place sur les lèvres de la brune. Bien sûr, pensa-t-elle, les elfes de maison peuvent transplaner où bon leur semble !

- Vous m'avez appelé, maîtresse ? Fit la créature d'une voix aigüe.
- J'ai besoin de ton aide, Rogny. Je veux que tu me fasses sortir de cette chambre, que tu m'emmènes le plus loin possible.
- Mais la maîtresse Druella m'a ordonné de...
- Et moi, je t'ordonne de m'obéir, siffla Bellatrix.

La maigre créature semblait hésiter, déchirée entre les ordres opposés de ses deux maîtresses. Finalement, il tendit lentement la main vers la jeune sorcière dont le visage s'éclairait peu à peu. Elle la saisit vivement et les deux disparurent dans un crac presque inaudible.

Ils se retrouvèrent au centre d'une plaine. Au loin, Bellatrix pouvait voir la silhouette du grand manoir Black se dessiner de façon menaçante. L'elfe lui lança un regard apeuré avant de disparaître à nouveau. À son tour, Bellatrix transplana.
L'odeur familière du bois qui entourait la maison de pierre apaisa immédiatement la sorcière. Elle en huma un instant le doux parfum, puis s'empressa d'entrer dans la demeure. Le salon où elle devait rejoindre son Maître était terriblement vide. Bellatrix jeta un coup d'œil à l'horloge qui trônait au dessus de la cheminée. Elle avait dix minutes de retard. Son cœur se mit à battre si fort qu'elle en eut le tournis.

- Tu es en retard, siffla une voix glaciale.

Elle s'efforça de ne pas sursauter en entendant Lord Voldemort qui s'approchait lentement d'elle, comme un prédateur tourne autour de sa proie avant de passer à l'assaut. Sans même le regarder, elle pouvait sentir sa colère. Elle l'avait déçu.

- Connais-tu le sortilège du Doloris, Bellatrix ? Dit Voldemort d'une voix doucereuse qui ne faisait que révéler l'ampleur de son mécontentement.

Bellatrix frémit. Elle se sentait prise au piège. Un instant, elle regretta d'être venue. Mais cette pensée fut vite remplacée par une immense culpabilité. Tout était sa faute. Si le Maître lui faisait payer son incapacité à le servir correctement, elle ne pouvait blâmer qu'elle même. Elle méritait le châtiment qu'elle s'apprêtait à recevoir.

- Je ne l'ai jamais pratiqué, mon Seigneur, dit-elle d'une voix tremblante.
- Et bien laisse moi te montrer ses effets, répondit-il avec un sourire cruel. Endoloris.

Un éclair vint frapper son corps tout entier. Bellatrix fut projetée à terre avec une violence extrême. Elle se contorsionna pour tenter d'apaiser ses souffrances, en vain. Elle ne put retenir un hurlement de douleur. C'était comme si chacun de ses membres était lentement broyé, elle avait l'impression que tous ses organes se déchiraient à l'intérieur d'elle. La torture ne dura en réalité qu'une poignée de secondes, mais la jeune femme avait l'impression qu'elle avait duré une éternité. Elle resta une minute au sol, incapable du moindre mouvement. Sa tête bourdonnait, elle ne parvenait pas à distinguer avec précision les formes autour d'elle. Elle sentait quelque chose couler de sa bouche, et en portant ses doigts à ses lèvres, elle se rendit compte qu'elle s'était mordue si fort qu'elle s'était déchiré l'intérieur de ses joues. Elle dût avaler une gorgée de sang pour ne pas avoir à le cracher à terre.
Voldemort s'était assis sur un fauteuil près de la cheminée et l'observait sans la moindre expression. Il attendait patiemment qu'elle se relève et reprenne ses esprits.

- Si tu veux devenir un de mes mangemorts, tu devras apprendre à résister à la douleur. C'est impératif, dit le mage noir. S'il arrivait que tu sois capturée par les aurors, ceux-ci n'hésiteront pas à te torturer bien plus longtemps. Il faudra que tu encaisses et que tes lèvres restent scellées. Comprends-tu ?
- Oui Maître, articula-t-elle avec difficulté. Je ne vous trahirai jamais, vous le savez. Je suis votre humble servante.

Les yeux de Bellatrix étaient baignés de larmes. Ce n'était pas des larmes de douleur cependant. Elle était sincèrement émue à l'idée de pouvoir donner sa vie pour son Maître. Voldemort la regarda d'air un dubitatif.

- Cela dit, reprit-il d'une voix douce, il vaudrait mieux que ce soit toi qui jette le premier doloris à l'ennemi, n'est ce pas ?

Bellatrix acquiesça.

- As-tu une idée de comment s'y prendre ?
- Je connais la formule maintenant, Maître.

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres du Seigneur du Ténèbres.

- Certes. Mais ce n'est pas tout. Tu dois vouloir la souffrance de ton adversaire. Il faut que tu te le représente à deux doigts de la mort, écrasé par la douleur comme un vulgaire insecte. Penses-tu que tu puisses produire un tel sort, Bellatrix ?
- Oh, oui, si j'avais un sale sang-de-bourbe devant moi je n'hésiterais pas une seule seconde !

La jeune sorcière avait repris un peu de couleur. Le seul fait d'être dans la même pièce que mage noir lui redonnait de l'énergie. Elle regrettait d'avoir succombé à la douleur quelques minutes auparavant. Elle aurait dû se contrôler, se taire. Rester impassible, comme son Maître. Il était certain que, s'il devait subir un tel sort, il ne laisserait jamais la souffrance prendre le dessus. Bellatrix aspirait à devenir aussi forte que lui.

- Veux-tu bien me suivre, jeune femme ? L'invita le Maître.

Bellatrix vira au rouge écarlate, et emprunta le pas du Seigneur des Ténèbres qui l'emmena au cachot. De la même façon que la dernière fois, il alluma les torches qui projetèrent une lumière vacillante dans la pièce. Mais cette fois, ce n'était pas un homme qui se tenait enchaîné. Recroquevillée sur elle-même, une femme du même âge de la sorcière leva les yeux vers ses geôliers. Son regard était empli d'une terreur sans nom.

- Il me semble que tu reconnais ta camarade, murmura doucement Voldemort.

Bellatrix fixait la pauvre Mary Towler avec un mélange de satisfaction et d'appréhension. Toutefois, elle ne fit place à aucune forme de pitié.

- Ce n'est pas ma camarade. C'est une sale sang-de-bourbe, siffla la belle brune.

Elle devina que Voldemort s'était approché d'elle. Il était tout près, elle sentait sa robe effleurer son dos. Elle tressaillit quand elle l'entendit murmurer à son oreille.

- Traite-la comme telle, Bella.

Bella. Il avait dit. Bella. La sorcière sentit une vague d'énergie déferler dans ses veines. En se concentrant sur la prisonnière, elle se remémora le temps où la gryffondor s'était amusée à rabaisser les sangs-purs, à se moquer ouvertement du Seigneur des Ténèbres. Instinctivement, elle leva sa baguette.

- Endoloris ! Cria Bellatrix.

Sa magie frappa la jeune Towler avec une violence inouïe. De la même manière que la brune, elle se tordit de douleur, la suppliant de mettre fin à ses souffrances. Bellatrix ne relâcha pas son emprise, au contraire, elle redoubla de puissance. Les hurlements de la victime résonnaient dans les cachots. Lord Voldemort observait le spectacle sans ciller. Quand Bellatrix abaissa finalement sa baguette, il n'avait pas l'air satisfait. La prisonnière était encore bien consciente.

- Avada Kedavra, siffla le mage noir.

La lumière verte se refléta dans les yeux de son élève, qui, désespérée de ne pas avoir répondu aux attentes de son maître, assistait à la scène sans rien dire. Mary Towler s'écroula dans un bruit sourd.

- Faible...très faible, Bellatrix. Si faible que j'en viendrais même à questionner ta prétendue haine de ces créatures, dit Lord Voldemort.
- Maître, mon vœu le plus cher n'est que de les faire disparaître de la surface de la Terre ! Répondit Bellatrix, piquée au vif.
- Silence, siffla le mage. Ton doloris n'est pas plus puissant qu'une piqûre de moustique. J'ose espérer que tu t'entraîneras dur pour la prochaine fois, je n'ai pas besoin d'enfants dans mes rangs. Il est temps pour toi de partir.
- Dois-je revenir demain, Maître ?
- Non.

Sa réponse frappa Bellatrix comme le coup fatal d'une épée.

- Mais...
- Ne conteste pas ma décision. J'ai mieux à faire que de jouer les professeurs tous les soirs pour une gamine. Je te ferai savoir lorsque la prochaine séance aura lieu. Maintenant, tu ferais mieux de m'obéir et de disparaître.

La gorge nouée, la sorcière s'inclina devant son Maître et disparut.

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant