Démasquée.

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Vendredi 12 janvier 1973, Manoir Malefoy, Wiltshire.


Lord Voldemort rangea son journal dans le tiroir de son bureau lorsqu'il entendit toquer à sa porte. Il ne regarda pas Bellatrix quand celle-ci entra, ni ne l'invita à s'asseoir. Il regarda à travers la fenêtre qui donnait sur le splendide jardin à la française des Malefoy et laissa la tension monter. Il savait très exactement ce qui s'était passé, ayant reçu dans la matinée une visite de Cygnus Black III qui avait pris soin de lui raconter les mésaventures de sa plus jeune fille. Même sans utiliser ses pouvoirs de legilimens, il devinait aisément à quel point la servante qui se tenait à présent devant lui était mortifiée.

- Tu n'es pas sans savoir, Bella, que la découverte de la correspondance entre Narcissa et toi est...regrettable, dit-il d'une voix lente et glaciale.
- Maître, je...

Il leva une main lui intimant le silence. Bellatrix tremblait comme une feuille devant le mage noir.

- Tu sais également, Bella, qu'il n'y a aucune chance pour que Dumbledore ne soit pas au courant, à l'heure qu'il est, de ce qui est arrivé entre ta sœur et McLaggen. Qu'il n'y a aucune chance pour n'ai pas eu accès au contenu de cette lettre, aucune chance pour qu'il n'ait pas déjà fait le lien entre les informations qui s'y trouvaient et ton statut de mangemort... continua-t-il en levant un sourcil interrogateur.
- Maître... Albus Dumbledore est venu me parler lorsque j'attendais Cissy aux Trois Balais, à Pré-au-Lard, dit-elle en parlant comme si elle était sur le point d'éclater en sanglots.

Lord Voldemort se figea en entendant le nom du sorcier. Enfin, il se tourna vers Bellatrix.

- Laisse-moi entrer, siffla le mage noir. Legilimens.

À mesure qu'il assistait au souvenir de la rencontre entre sa servante et son ancien professeur, la rage du Seigneur des Ténèbres montait. Chaque mot prononcé par Albus faisait pulser en lui un profond désir de meurtre. Quand il s'extirpa enfin de l'esprit de Bellatrix, il n'y avait qu'elle sur qui il pouvait se défouler. Alors c'est ce qu'il fit. Sans même utiliser sa baguette, il la projeta violemment contre la bibliothèque. Le choc fut si fort qu'une dizaine de livres tombèrent autour de la sorcière qui grimaçait de douleur. Le mage noir, dont les yeux étaient à présent illuminés d'une inquiétant lueur pourpre, fit apparaître des cordes qui allèrent subitement s'enrouler autour de la gorge de la sorcière, la soulevant comme si elle s'apprêtait à être pendue. Ses pieds étaient à quelques centimètres du sol désormais. Son visage était devenu écarlate, et elle luttait pour se hisser le plus possible le long de la corde qui l'empêchait de respirer. Lord Voldemort s'approcha d'elle d'un pas fluide, le visage toujours impassible, et passa une main dans ses boucles brunes alors qu'elle agonisait devant lui.

- Tu vas arranger cela, n'est-ce pas Bella ? ordonna le mage noir d'une voix douce. Car, vois-tu, si tu te fais prendre par les aurors, je viendrai te chercher. Et je te tuerai.


****


- Ça va piquer légèrement, dit Rodulphus en amenant un pot de baume blanchâtre à Bellatrix.

Cette dernière émit un petit grognement lorsque son époux passa la pommade à l'arrière de sa tête, là où elle avait heurté la bibliothèque de plein fouet. Le choc avait été tel que son crâne s'était ouvert à cet endroit, juste assez pour qu'un mince filet de sang coule le long de son dos et ne s'étale en traînées visqueuses le long de ses boucles brunes. Elle l'avait mérité, pensait-elle. Elle avait déçu son Maître, donc elle l'avait mérité. Cela n'était rien à côté de ce qu'il aurait pu lui infliger. Il avait fait preuve de miséricode en ne la tuant pas sur le champ.

- Qu'est ce que tu comptes faire ? demanda Rodulphus l'air concerné.
- Je sais pas, grommela Bellatrix.
- Tu pourrais altérer la mémoire des garçons.
- Oui. Je pourrais. Mais le véritable problème, c'est Albus. Il sait ce que je suis. Il ne mettra pas longtemps à deviner que tu es aussi sous Ses ordres. Je suis sûre qu'il soupçonne déjà Lucius et Rabastan.
- Il n'a aucune preuve concrète.
- C'est la seule chose qui me protège d'une accusation du Ministère. Mais ils peuvent toujours ouvrir une enquête si Dumbledore leur fait part de ce qu'il sait. Il fait partie du Magenmagot, s'il veut m'envoyer à Azkaban, il ne trouveras pas grande opposition.
- Il n'a aucune preuve ! répéta Rodulphus en haussant le ton. Il ne peut pas te faire envoyer à Azkaban sur la simple base d'une lettre ! Narcissa n'a aucun moment spécifié qu'elle parlait du Maître. Ces informations pourraient n'être que des bavardages d'adolescentes sur des personnes détestables. Cela ne constitue pas une preuve.
- Hmm. Quoi qu'il en soit, je pense qu'il vaut mieux pour moi que je me fasse discrète. Je me demande même si...
- Si ?
- Je pense qu'on devrait déménager, Dolph. Le Château Lestrange est connu de tous. Je ne voudrais pas que des aurors viennent faire une perquisition chez tes parents.
- Quoi ? Mais où veux-tu que nous allions ? Dans une chambre de bonne de Godric's Hollow ? se moqua le sorcier.
- Peu m'importe. Tout ce que je veux, c'est servir mon Maître et je ne pourrais pas faire cela correctement si je dois rester sur mes gardes dans ma propre maison.
- Je vais y réfléchir, Bella.
- Tu n'as pas à réfléchir pour nous. Je vais partir d'ici, tu me suis si en veux, mais peu m'importe, vraiment.
- Ça fait plaisir, railla Rodulphus.

Bellatrix posa doucement sa main sur la joue de son époux.

- Tu es adorable, Dolph. Sois rassuré, je ne vais pas partir immédiatement. Je veux d'abord voir comment les choses évoluent. Peut-être que Dumbledore sera assez idiot pour croire que je vais abandonner mon Maître sous la pression.
- Cela ne m'étonnerait pas le moins du monde, répondit Rodulphus en déposant un baiser sur le front de Bellatrix.


****


9 mars 1973, St Johns Medical Centre, Peckham, Angleterre.


- C'est une adorable petite fille, madame Tonks, dit une nurse en tendant une petite créature rose enveloppée dans un drap blanc à la jeune mère.

Andromeda, encore rougie par l'effort et les cheveux collés par la transpiration, tendit les bras pour recevoir son enfant qui poussait des cris aigüs. Elle sentit des larmes chaudes couler le long de ses joues lorsqu'elle découvrit pour la première fois le visage du bébé. Elle était si petite, si ronde, si parfaite. Teddy s'approcha d'elles. Lui aussi pleurait. À vrai dire, il avait pleuré tout le long de l'accouchement. Andromeda caressa du bout des doigts le crâne presque chauve et doux comme la soie de leur petite.

- Bienvenue, Nymphadora, murmura-t-elle d'une voix douce.
- Elle est si belle, dit Teddy en regardant le nouveau-né avec émerveillement. Dromeda, je suis papa...
- Et tu es le meilleur papa du monde, Ted. Je t'aime tellement. Et toi aussi, Dora, je t'aime. Plus que tout au monde.

La nurse s'approcha du couple et leur adressa un petit sourire.

- Je vais devoir vous la reprendre un instant, fit-elle d'une petite voix. L'enfant a besoin d'un bon bain et de soins. Ne vous inquiétez pas, elle m'a l'air en parfaite santé et vous la retrouverez d'ici quelques minutes.

Andromeda tendit à contrecœur la petite Nymphadora à l'infirmière moldue qui sortit ensuite de la pièce, laissant les parents seuls.

- Tu ne regrettes pas de l'avoir mise au monde dans un hôpital moldu ? demanda Teddy.
- Pas le moins du monde, soupira Andromeda dont les paupières lourdes commençaient à se fermer. Notre fille sera élevée dans la connaissance des deux communautés. Elle sera douce et juste. Elle sera...

La sorcière ne finit pas sa phrase. Les bras de Morphée étaient venus la chercher après des heures d'effort, pour lui accorder un repos bien mérité. La famille Black comptait désormais un nouveau membre...


****


- Rappelle-moi, Cissy, à quel moment je t'ai demandé des nouvelles de cette traitresse ? demanda Bellatrix d'un ton hautain. Exactement. Jamais.

La brune était affalée sur une chaise de jardin, les jambes se balançant dans le vide, en train de lire un article de la Gazette du Sorcier qui relatait une étrange disparition à Birmingham.

- Je voulais juste que tu saches qu'elle avait eu un enfant avec son sale sang-de-bourbe, c'est tout, répliqua sa petite sœur. C'est une fille, elle s'appelle...
- Rien à foutre. Donne-moi un macaron, veux-tu ? répondit Bellatrix en désignant la petite boite rose pâle qui contenait les pâtisseries.

Narcissa leva les yeux au ciel et lui tendit la boite. Bellatrix fit danser son index au-dessus des macarons avant d'en saisir un.

- À la rose. Ce sont les meilleurs. Ne les prends pas, ils sont pour moi.
- Je préfère ceux à la vanille de toute façon.
- Bien sûr que tu préfères ceux à la vanille, railla la brune. C'est si...prévisible.

Elle porta le gâteau à sa bouche et n'attendit pas d'avoir fini sa bouchée pour reprendre la conversation.

- Et puis merde, d'où tu tiens ces informations ?
- Quoi, sur Dro...sur l'autre ? Elle a envoyé une lettre à mère il y a trois jours.
- Elles sont encore en contact ? demanda Bellatrix en se redressant d'un coup.
- Non, bien sûr que non. Mère ne veut même pas que l'on prononce son nom. Elle a brûlé la lettre juste après l'avoir lue. Elle a dit que Nymphadora n'était pas sa petite fille, tout comme Andromeda n'était pas sa fille.
- Nymphadora... pfff. Quel manque de goût.
- Moi je trouve ça...
- Je me fiche, Cissy, de savoir si le prénom de l'hybride qu'a pondu Andromeda te plait ou non.
- Mais qu'est ce que tu as aujourd'hui bon sang ? Tu es si désagréable ! Si c'est pour te comporter comme ça tu peux rejoindre Rodulphus.

Bellatrix jeta un coup d'œil à son époux qui discutait avec Cygnus. Ils s'étaient tous rassemblés pour les funérailles de leur grande tante très éloignée, Callidora Londubat née Black, qui venait de s'éteindre à l'âge de 58 ans, laissant derrière elle son époux Harfang, leur fils Nicholas et sa sœur jumelle Zelda. La famille de son époux était également venue rendre un dernier hommage à la défunte. Bellatrix observa le cousin des jumeaux, Eddard, qui discutait avec son épouse Augusta à l'autre bout du jardin. Leur fils, Frank, était resté avec Sirius et ne semblait pas le moins du monde touché par la disparition de sa grand-tante.

- Il paraît que ce côté des Londubat a fermement affirmé son désaccord avec les idées de...enfin tu sais, lui chuchota Narcissa à l'oreille. Le jeune Frank est en quatrième année à Gryffondor, il veut devenir auror. Sa petite amie, une certaine Alice, a la même ambition. Augusta a refusé d'adresser la parole à la moitié des Black.
- Laissons-les avoir leur moment de fierté. Ils feront moins les malins quand nous les écraserons comme de vulgaires insectes.

Narcissa sembla mal à l'aise l'espace d'un instant, mais Bellatrix n'y prêta pas attention. Sa jeune sœur était trop délicate, trop innocente pour comprendre les réels enjeux de la guerre à venir. La brune se leva pour rejoindre son époux. Alors qu'elle s'en approchait, une autre personne la bouscula.

- Regardez où vous mettez les pieds, siffla Bellatrix en se retournant vers la personne.
- Bellatrix Lestrange, n'est-ce pas ? répondit la femme en lui lançant un regard dédaigneux.
- Augusta Londubat, reconnu Bellatrix en la regardant de haut en bas. Votre sens de la mode est très... particulier.

La femme portait une longue robe grise sertie de plumes verte et un chapeau tout aussi extravagant, avec une paire de lunette en forme d'ailes d'oiseau.

- Et le vôtre est aussi sombre que la mort elle-même, nota Augusta en fronçant le nez. Est-ce le code vestimentaire à respecter chez les partisans de cet affreux mage assoiffé de pouvoir ?

Instinctivement, Bellatrix avait porté sa main à sa baguette calée dans sa large ceinture de cuir. La voix de Rodulphus l'arrêta juste à temps.

- Augusta. Ravi de vous rencontrer enfin. Mes condoléances. Je vous emprunte notre chère Bellatrix, veuillez nous excuser.

Il saisit la brune par le bras et l'entraîna le plus loin possible de l'autre sorcière.

- Bellatrix, dit-il à voix basse. Bella tu ne peux pas tuer tous les opposants du Maître. Pas maintenant. Nous sommes à des funérailles, pas sur un champ de bataille. Tu dois être moins impulsive, je suis sûre qu'elle a très bien vu ce que tu t'apprêtais à faire.
- As-tu entendu la façon dont elle parlait de mon Maître ? siffla la jeune femme. Cette vieille...
- J'ai entendu. Elle regrettera un jour, mais pas maintenant. Pour le moment, nous devons faire bonne figure. Et si nous partions d'ici ? Je n'ai jamais vu des funérailles aussi sordides...

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant