Occlumancie.

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Rodulphus regarda son épouse dévorer ses tartines de confiture derrière son journal. Jamais il n'avait vu quelqu'un prendre son petit-déjeuner avec autant d'entrain que Bellatrix ce matin là. La jeune femme rayonnait.

- Qu'est-ce qui te met de si bonne humeur ?
- Quoi ? Oh, rien. Je suis normale, répondit Bellatrix en contenant à peine un large sourire. Qu'est ce qu'ils racontent à la Gazette ?

Rodulphus plia son journal pour regarder la une.

- « Nouvelle attaque dans le Sussex : une famille moldue retrouvée morte, l'utilisation du sortilège de mort fortement soupçonnée », lu Rodulphus en souriant. C'était Yaxley et Avery. Rapide, efficace. Le Maître était satisfait.
- Le Maître était satisfait... répéta Bellatrix d'un air rêveur.

Elle pensa à la façon dont il avait posé sa main contre son visage la nuit dernière, à la façon dont il avait caressé ses lèvres. Ils avaient été si proches. Si proches.

- T'es vraiment bizarre aujourd'hui, dit le sorcier qui la regardait d'un air suspicieux. Pas que je n'aime pas te voir aussi joyeuse, mais là Bella ; tu es étrangement joyeuse. Tu ne me caches pas un amant hein ?
- Quoi ? Bellatrix secoua la tête et explosa de rire. Je n'ai que faire des hommes, Dolph. Vraiment j'ai mieux à faire que de m'envoyer en l'air avec le premier venu. J'ai un époux pour ça.
- Oui, enfin bon. Je t'ai touchée quoi, deux fois depuis la nuit de noce ?
- Et bien ? C'est déjà ça. Estime toi heureux, répondit Bellatrix en soulevant la théière devant elle. Une nouvelle tasse de thé ?
- Non merci. Je dois y aller, j'ai une réunion importante au Ministère.
- Oh oui, c'est vrai. Tu me diras comment ça c'est passé.
- Tu seras la première à le savoir, dit Rodulphus en se levant, puis en déposant un baiser sur la joue de son épouse avant de partir.

Il avait un entretient avec le directeur du département accidents et catastrophes magiques pour un emploi au Bureau de désinformation. S'il était pris, il pourrait non seulement extraire des informations du Ministère mais aussi contrôler les soupçons portés sur les familles de sang-pur lorsque les attaques commanditées par Lord Voldemort survenaient. Le Bureau de désinformation travaillait directement avec le Premier Ministre moldu, en l'occurrence un certain Edward Heath, et avait pour mission de rechercher des explications plausibles à certains accidents ou catastrophes magiques afin que la communauté sorcière de Grande Bretagne demeure secrète et donc en sécurité. C'était un emploi très important, Bellatrix savait que son époux misait beaucoup sur cet entretient.
Mais à vrai dire, elle avait autre chose à penser.
Son Maître allait continuer de lui apprendre les secrets de l'occlumancie. À elle. Seule. Il avait dit qu'elle serait son meilleur et plus loyal soldat. Il avait pardonné son comportement irresponsable. Son Maître était grand et miséricordieux. Son Maître était puissant et sage. Il était tout ce qu'il y avait en ce monde. Et Bellatrix était amoureuse de lui.
Jamais elle ne lui dirait de vive voix, même s'il l'avait certainement déjà vu dans son esprit. Jamais elle ne pourrait l'avoir comme elle avait Rodulphus quelques fois. Elle serait toujours sa servante. Mais il allait lui apprendre l'occlumancie, et ils ne seraient que tous les deux. Elle et lui. Seuls.

****

- Le néant, Bellatrix, répéta Voldemort de sa voix glaciale.

Bellatrix se concentra et dissipa en un instant le souvenir d'un cours de potion qui avait germé dans son esprit, laissant place en une fraction de seconde à l'immense océan noir sans vagues, au silence infini. L'ombre d'un sourire se dessina sur le visage de son Maître.
Ils n'étaient pas dans son bureau cette fois. Lord Voldemort avait emmené sa servante au centre d'une forêt sombre, à l'abri des regards, là où personne ne pourrait les déranger. Cela faisait une heure que Bellatrix luttait pour bloquer son esprit de tout assaut. À chaque nouvelle tentative, elle réussissait un peu plus vite à former un barrage entre son Maître et elle. Son dernier souvenir n'avait duré que quelques secondes avant d'être remplacé par le vide qu'elle avait inventé.

- Tu y es presque Bellatrix, fit la voix douce de Voldemort derrière elle. Legilimens.

Rien.

Son esprit était vide.

Voldemort se retrouva directement face à l'océan noir sans fin. Elle avait réussi. Son esprit était désormais impénétrable. Jamais il n'avait vu quelqu'un, si ce n'est lui-même, maîtriser aussi rapidement l'art compliqué de l'occlumancie. Il n'était pas donné à tout le monde de se débarrasser aussi aisément de ses émotions, de l'origine même de son humanité. Mais Bellatrix faisait cela pour son Maître ; et pour lui, elle détruirait l'Univers pour en construire un nouveau à son image. Alors, l'occlumancie, pour elle, n'avait été qu'une autre mission à compléter de la manière la plus impressionnante possible pour satisfaire celui qu'elle aimait. Et bien, voilà qui était fait. Son Maître était satisfait.

- Bien, Bellatrix. Très bien... Maintenant, je veux que tu modifies un souvenir. Il faut qu'il soit crédible, il faut que celui qui tente de pénétrer ton esprit ne puisse pas déceler le mensonge. Allons, essaies maintenant. Legilimens.


La brune suivit sa cadette jusque dans la salle de bain. Andromeda verrouilla la porte et se tourna vers Bellatrix qui la toisait avec colère.

-​Peux-tu me dire à quoi tu joues ? Siffla l'aînée.
-​Bella, je ne peux plus supporter cette situation. Tu me manques, tu es ma grande sœur, je t'aime énormément. Tu le sais très bien, et moi je sais que tu m'aimes.
-​Ce n'est pas une question d'amour, Dromeda, rétorqua Bellatrix avec colère.
-​Si, c'en est une ! C'est absolument une question d'amour. Je t'en supplie, mets de côtés les valeurs archaïques de nos parents, Bella. Je ne te demande pas de ne pas y croire, je sais que tu n'y renonceras jamais. Je te demande juste de ne pas m'en vouloir de ne pas penser de la même façon que vous.

Bellatrix s'assit sur le rebord de la baignoire derrière elle et soupira.

- Tu as peut-être raison, Dromeda. Je ne pourrais jamais t'en vouloir pour une telle chose. Tu es ma sœur, tu es plus importante que tout cela. Je ne peux pas te soutenir publiquement ; tu sais comment les choses marchent ici... mais je serai toujours là pour toi, même dans l'ombre. Je serai toujours de ton côté. Plus tard, peu importe l'hybride que tu mettras au monde, je serai là. Je m'occuperai de vous.
- Un hybride ! Bella, tu pourrais être plus douce ! s'amusa la cadette qui semblait tout de même soulagée.
- Je t'aime, Dromeda.
- Moi plus encore, Bella.


- Ecœurant.
- Cette fille est écœurante, mon Seigneur, dit Bellatrix en grimaçant.
- Convaincant, néanmoins. Aurais-tu quelques réelles sympathies pour ta jeune sœur ?
- Mon Maître sait que cette immonde créature n'est plus ma sœur depuis qu'elle a choisi d'épouser un sang-de-bourbe.
- Bella...

Voldemort s'approcha d'elle. Le cœur de Bellatrix s'emballa dans sa poitrine, comme à chaque fois qu'il y avait une proximité entre elle et son Maître. Le mage noir la regarda un long moment sans rien dire, l'air de réfléchir. Elle était persuadée que, même avec le barrage de l'occlumancie, il pouvait voir à travers elle, lire en elle, comprendre chacune de ses réactions. Sûrement avait-il connaissance de l'émoi qui était le sien en ce moment même.

- Je crois que tu n'auras pas besoin d'une nouvelle séance. Tu es douée. Je n'ai rien d'autre à t'apprendre en matière d'occlumancie.

À la surprise du mage, la jeune sorcière sembla un peu déçue. Elle maintenu son regard au sol, et se mordit la lèvre inférieure.

- Maître, ne craignez-vous pas que je puisse vous cacher quelque chose en vous fermant mon esprit ?
- Comptes-tu me cacher quelque chose, Bella ? répondit simplement Lord Voldemort.
- Non, mon Seigneur. Jamais ne vous cacherai quoi que ce soit.
- Et bien, je n'ai rien à craindre alors. Je connais la façon dont ton esprit fonctionne. Je sais que tu ne seras pas celle qui me trahira.
- Maître, je doute que qui que ce soit ose un jour vous tromper.
- Les gens sont lâches, Bella. Tous ne sont pas aussi loyaux et forts que toi. Ces sorciers qui te méprisent parce que tu es plus jeune et que tu es femme ont beaucoup à apprendre de toi. Ils le réaliseront bien assez tôt. Si tu adoptais un comportement plus responsable, peut-être qu'ils cesseront de te prendre de haut, ajouta-t-il avait un léger sourire. Tu continueras à tuer mes ennemis, Bellatrix Lestrange, et tous comprendront.
- Mon Seigneur, c'est mon plaisir le plus grand que d'anéantir ceux qui se dressent sur votre chemin.
- Vicieuse créature, hmm ? Retourne auprès de ton époux, dit-il alors que ses yeux parcouraient le corps de la jeune sorcière. Je crois qu'il a quelque chose à t'annoncer.

Bellatrix n'avait que faire de Rodulphus et de ce qu'il pouvait bien avoir à lui dire. Elle voulait rester ici, dans cette forêt, avec son Maître. Elle savait pourtant qu'elle n'avait pas le choix ; aussi fit-elle une profonde révérence et disparu dans un crac sonore.

****

- Et bien, et bien, Lestrange ! Félicitations pour ton nouveau poste, dit Bellatrix avec un entrain absolument feint.
- Je l'ai amplement mérité, rétorqua Rodulphus avec un sourire narquois.

C'était absolument faux, cela dit. Le père du jeune homme avait fait jouer ses relations pour que son fils décroche un emploi au Ministère et serve mieux le Seigneur des Ténèbres.

- Je n'en doute pas, railla Bellatrix.

Ils venaient de finir de dîner. Mérida et Arsenius discutaient de leur côté quand la mère de famille interpela sa belle-fille.

- Oh, Bellatrix, votre sœur vous a envoyé une lettre. Je voulais vous la donner cet après-midi mais je ne vous ai pas trouvée.
- Hum, oui, j'étais...euh, merci, répondit Bellatrix en saisissant l'enveloppe que Mérida lui tendait.

La brune ouvrit la lettre et découvrit l'écriture délicate de sa petite sœur, qui lui arracha un sourire attendrit.

Chère Bella,

Je t'écris depuis l'hôtel La Voisin, situé dans le sixième arrondissement de Paris. J'y séjourne avec Lucius et monsieur et madame Malefoy qui m'ont gentiment invitée. Les lieux sont magnifiques, je crois que je n'ai jamais vu autant de luxe concentré dans un seul endroit, et Dieu sait que père aime les jolies choses. Les Malefoy ont un goût pour la démesure que j'apprécie... je crois que tu ne seras pas surprise d'apprendre cela.
Nous avons aujourd'hui visité Notre Dame, où sont conservées les archives des familles de sang-pur françaises (il faut rentrer par le passage secret dissimulé par le médaillon de la Salamandre, il a fallu être discret car l'endroit grouille de touristes moldus). Il y a celles des Malefoy, mais aussi celles de notre famille ! C'était passionnant. Savais-tu que les Lestrange ont leur propre caveau au Père Lachaise ? Je l'ignorais.
Nous avons rencontré des amis d'Abraxas qui ont une fille un peu plus âgée que moi avec qui je me suis bien entendue : Héloïse Vernier. Elle m'a appris des grossièretés en français et c'était très amusant. Si mère apprenait cela, elle ferait très certainement un malaise.
Nous avons fait du shopping sur la Place Cachée, à Montmartre. Les couturiers français font des merveilles. Bien sûr, je t'ai pris un petit souvenir. Tu me coûtes cher, Bella, sache-le.
Nous avons encore beaucoup à faire, et j'ai hâte de pouvoir tout te raconter de vive-voix.

Je t'embrasse,
Narcissa.

Bellatrix referma la lettre en souriant. Elle se fichait bien de ce qu'avait raconté sa sœur dans cette lettre, mais elle était tout de même contente d'avoir eu de ses nouvelles. Le séjour à Paris avait le mérite de pouvoir distraire la benjamine du départ d'Andromeda.

- Alors, comment va la jeune Narcissa ? demanda Mérida.
- Très bien. Elle semble aimer Paris presqu'autant que Lucius.
- D'ailleurs, en parlant de la France, nous sommes invités pour assister au mariage d'une cousine éloignée. Maintenant que tu fais partie de la famille, tu vas devoir nous accompagner, dit madame Lestrange avant de voir l'air dégoûté de Bellatrix et d'ajouter : ne t'inquiète pas, c'est en août, on aura tout le temps de te trouver une nouvelle robe.

Un mariage en France la tiendrait éloignée de son Maître adoré pendant trop longtemps. Bellatrix leva les yeux au ciel en soupirant, Rodulphus explosa de rire. Son épouse était décidément la femme la plus surprenante du monde.

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant